Les critiques contre le GIEC fusent de toutes parts au point de remettre en cause pour certains le diagnostic d’ensemble sur les changements climatiques. Sur le plan politique une mauvaise communication a fait passer la conférence de Copenhague pour un échec alors qu’elle a permis des avancées qui ont été confirmées par les engagements pris par les pays le 31 janvier dernier. Il est vrai que les médias ont ignoré ces engagements car ils sont plus enclins à traiter le barnum des 20.000 délégués de Copenhague, que la sécheresse des chiffres qui montrent par exemple un engagement réel de la Chine (-40% de l’intensité carbone de son économie d’ici 2020) et très faible des USA -1% depuis 1990 alors que l’Europe s’engage à -20 voire -30%. Les intérêts financiers qui s’inquiètent d’être lésés par les politiques de lutte contre l’effet de serre s’engouffrent dans cette double brèche pour soutenir cette déstabilisation.
Les critiques portées contre le GIEC portent à différents niveaux. Malgré leur coté anecdotique il ne faut pas balayer de la main les critiques contre le président du GIEC Rajendra Pachauri, lui-même et son train de vie, ou celle de la même nature contre ces experts qui se promènent dans le monde entier et rejettent des gaz à effet de serre, ce qui implicitement prouve qu’ils n’y croient pas. Les relents poujadistes et antiscientifiques ne sont pas absents de cette attitude. Cette attaque peut rappeler celle d’un député français qui avait réussi à faire voter par l’Assemblée Nationale (mardi 8 novembre 2005) une amputation du budget 2006 du Ministère de l’écologie d’un million d’euros pour sanctionner l’ONERC (Observatoire des Changements climatique) un des relais en France du GIEC au motif de l’importance des frais de déplacement internationaux, considérés un gaspillage budgétaire. Or le budget de l’ensemble de la politique française sur l’effet de serre études comprises de la Mission Interministérielle à l’effet de serre et ONERC n’étai t alors que de 700.000 euros. Le Sénat avait fort heureusement annulé cette réduction. Certains politiques ne supportent pas le magistère des scientifiques.
Le second niveau de critique porte sur des incorrections de données : la surface des Pays Bas située sous la mer ou un modèle régional sur la fusion des glaciers en Himalaya. On demande au scientifique un zéro défaut, qui n’existe dans aucune entreprise humaine. Et l’identification de quelques défauts est généralisé à l’ensemble du processus ce qui est une imposture sur le plan scientifique. La question centrale de l’élaboration de la connaissance scientifique est qu’il n’y a de théorie scientifique que réfutable (Popper). C’est le processus de réfutation par les pairs (c’est-à-dire par ceux qui travaillent sur la même question) qui est le processus de l’élaboration du savoir. Ce processus de pairs a deux écueils : le découpage disciplinaire qui rend extrêmement difficile les travaux sur les interactions complexes et la cooptation.
Même s’il se situait sur le plan scientifique Claude Allègre géologue n’a pas besoin à se confronter aux climatologues, il réfute toute la discipline. Il faut donc conserver les groupes du GIEC 1 (physiques et écologie du changement climatique) et 2 (impacts, vulnérabilité et adaptation) où les différentes disciplines doivent dialoguer.
Mais la question des pairs n’est pas qu’un problème de substance c’est aussi un processus social de cooptation. Il faut donc garantir son ouverture. Si les propos outranciers de mafia ont été proférés par Allègre, il n’en reste pas moins que cette question doit être abordée avec le plus grand sérieux. L’audit demandé par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, devrait apporter des garanties sur cela.
La dernière question est la relation entre le GIEC et les décideurs politiques (incluant le public), c’est à die plus généralement, celle du scientifique et du profane. La connaissance scientifique relève d’un processus qui n’a rien à voir celui qui conduit aux connaissances pratiques. Une rupture épistémologique les sépare, une coupure irréductible. Nier cette différences est très dangereux, c’est-à-dire de banaliser les savoirs, traiter comme le font les médias sur la même base tous types d’avis de profanes sur les diagnostics scientifiques, ou de géologues sur les modèle climatiques… C’est aussi toute la limite de conférences de citoyens.
Une autre attitude est de reconnaitre cette asymétrie mais d’en organiser le contrôle social. Nous devons appeler à la rescousse un concept d’origine anglo-saxonne « accountability » dont la traduction qui semble s’imposer est la redevabilité : rendre compte de façon intelligible de la façon dont on exerce le pouvoir et donc sa responsabilité.
Ce concept qui est central dans la future norme sur la responsabilité sociétale des organisations (ISO 26000) est applicable à tout type de pouvoir politique, économique…. De la même façon dont la légitimité d’une démocratie participative ne peut se confondre avec la démocratie élective. Celle ci doit être redevable de la façon dont elle l’exerce. Le monde scientifique n’accepte pas globalement le regard du profane et ne se sent pas redevable. Le GIEC doit donc adopter des procédures de redevabilité. Le GIEC mais aussi l’ensemble de la communauté scientifique.