Discours de Christian Brodhag à l’occasion de la remise des insignes de la légion d’Honneur à Jean Munster, vice président de la Fédération Nationale des Transporteurs Routiers.
Saint-Étienne le lundi 2 octobre 2006
Discours de Christian Brodhag à l’occasion de la remise à Jean Munster des insignes de la légion d’Honneur
Mesdames et messieurs, chers invités,
C’est un grand bonheur de me trouver en votre compagnie aujourd’hui pour cette cérémonie en l’honneur de Jean Munster..
Comment ne pas être impressionné par cette assemblée, prestigieuse et diverse, venue pour manifester estime et amitié à Jean Munster.
C’est aussi un grand honneur pour moi, de lui rendre cet hommage devant vous parce que nous célébrons ici ensemble un entrepreneur remarquable et un homme d’exception.
Je suis donc à la fois touché et honoré que Jean Munster m’ait demandé de lui remettre cette médaille de Chevalier.
Jean Munster n’aurait-il pas recherché une forme de provocation, en sollicitant une personne comme moi, plutôt classée comme écologiste, pour décorer un camionneur, que certains classent un peu vite dans le camp des pollueurs,
Non je ne le crois pas, et d’ailleurs je ne m’y serai pas prêté.
Non, j’ai accepté pour l’homme chaleureux qu’il est, pour le rôle qu’il joue au sein de sa profession et pour la notoriété de notre département.
En quelques traits, comme le veut l’usage, j’essaierai d’éclairer la personnalité de Jean Munster et de rappeler les principales étapes de sa carrière.
Lorsque nous avons échangé pour préparer cette cérémonie, Jean Munster m’a dit qu’il ne souhaitait pas se prêter à l’exercice de son histoire personnelle et vouloir avant tout rendre hommage à son entreprise et aux hommes et femmes qui la font vivre.
Une décoration c’est toujours un moment d’exception. Le récipiendaire qui se croit détaché, finalement prend goût à la solennité de voir ses mérites reconnus par la République. Les mérites que Jean Munster souhaite voir honorés sont donc ceux de son entreprise.
Ceux qui le connaissent et qui apprécient son caractère expansif, resteront donc sur leur faim.
Ce qui caractérise Jean Munster en effet c’est sa grande capacité d’empathie, cette qualité humaine dont on dit quelle peut changer le monde. Elle se traduit aussi chez lui par une insatiable demande d’être aimé. Ceux qui ont échangé avec Jean Munster le savent, il s’implique profondément dans les relations humaines. Je pense que c’est cette qualité qui lui donne son exceptionnelle énergie, et fait son succès.
D’origine modeste, il revendique d’être un ouvrier. Il revendique en fait d’être jugé uniquement sur son œuvre, celle qui permet de connaître l’ouvrier. Sa façon de l’exprimer se comprend mieux quand on la décrypte à la lumière de cette terre stéphanoise où il s’est enraciné. Je reviendrai tout à l’heure en conclusion sur cet esprit stéphanois.
Jean et Régine Munster créent l’entreprise en 1986, il y a près de 20 ans. Initialement à Andrézieux-Bouthéon, la maison mère du groupe Munster International (GMI) est installée à Saint-Just Saint-Rambert-sur-Loire depuis 1993.
Combinant croissance interne et externe, il reprend des entreprises dont certaines sont en difficultés. Il sauve ainsi des emplois par paquets de 12 voire de 60.
Le groupe Munster International dispose aujourd’hui de neuf implantations en France. 6 agences : outre son siège à Saint-Just-Saint-Rambert, Mions dans le Rhône, Beuvry la Forêt dans le Nord, Rouen, Sarreguemines et Vauvert dans le Gard et 3 antennes Châteauroux, Louviers et Montereau.
Le groupe possède un parc de véhicules de plus de 1 400 cartes grises c’est à dire 1 400 tracteurs et remorques et un effectif de 800 personnes.
Premier transporteur régional indépendant, la société se développe autour de quatre grands pôles d’activités : le groupage national et international pour le compte d’industriels et de distributeurs, le transport public à la demande, le transport public dédié et la location de véhicules avec conducteurs.
Mais l’aventure technique ne le rebute pas. Grâce à un accord quadripartite avec GIAT industrie, ESO (European Southern Observatory) et les transports Gondrand, les transports Munster participent au transport des éléments du miroirs du VLT (Very Large Telescope) le très grand télescope, qui est le navire amiral de l’astronomie européenne. Ces éléments de plus de 8 mètres partent du GIAT Saint-Chamond pour rejoindre le site de Paranal au Chili à 2600 mètres d’altitude. Le premier maillon du transport partira de Saint-Chamond sur la A47 et rejoindra soit le Port Edouard Herriot soit Fos. Un premier transport de qualification avec une maquette en béton et ce sera quatre transports qui s’échelonneront de 1997 à 2000. Le télescope est en service depuis l’an 2000.
Par leur maîtrise de la technicité logistique les transports Munster donnent le monde en accès aux entreprises ligériennes.
Mais Jean Munster n’a nul besoin d’un télescope pour voir loin.
Il équipe son entreprise en moyens informatiques de pointe. Son entreprise obtient régulièrement des trophées en matière d’accueil téléphonique. Elle est certifiée qualité ISO 9002.
Le plus remarquable est la politique sociale et de formation du groupe qui permet de viser la qualité de service, la compétitivité en améliorant les conditions de travail.
L’entreprise s’est dotée d’un centre de formation interne de 15 personnes.
Un chauffeur Denis Joossen sera camion d’or de la sécurité en 2003, et Didier Gourbeyre Palmes des transports 2003.
Enfin le 1er juin dernier le groupe recevra le trophée national entreprise et sécurité routière.
Le jury justifie la nomination de l’entreprise pour le Trophée gestion de flotte, par des arguments précis : « On observe une très forte implication de la direction dans le domaine de la sécurité de l’entreprise et plus particulièrement au niveau de la sécurité des conducteurs dans tous ses établissements. À commencer par la réglementation : document unique, protocoles de sécurité incluant un plan d’accès signés avec tous les clients. Une action importante et efficace de sensibilisation a été menée auprès des chauffeurs, tutorat et moniteurs formateurs. À noter : une très bonne gestion du parc de véhicules. »
Mais Jean Munster ne réserve pas ses engagements à sa seule entreprise.
Son expérience dans l’entreprise sur la formation le conduit à s’engager au CNAM Saint-Étienne dont il sera élu président en 1998. C’est le CNAM qui nous accueille aujourd’hui.
Son engagement en matière de communication dans l’entreprise, le rend accessible au personnel tous les samedis matin, et il communique avec un bulletin interne ou il met en valeur le personnel de l’entreprise. Cette expérience le conduit à s’essayer dans le domaine de la presse, mais il revient bien vite au domaine ou il excelle.
Votre vie professionnelle semble tout entière guidée par l’anticipation, l’analyse des situations, la définition d’une stratégie claire, avec ce constant souci d’accomplir, des choses utiles et nécessaires au bien commun
Vous êtes titulaire d’une première distinction, celle des insignes de chevalier de l’Ordre national du mérite et aujourd’hui à la proposition du Ministre des transports le président de la république vous fait chevalier de la légion d’honneur
Cher Jean Munster, je m’adresse ici au vice président de la Fédération nationale des transporteurs routiers que ses pairs ont élu à ce poste en septembre 2003.
Lors d’un repas auquel vous m’avez invité récemment à Paris, j’ai pu discuter avec des journalistes de la presse spécialisée. Ils m’ont témoigné leur admiration pour un personnage hors normes dans cette profession.
Les propos que vous teniez en juillet dernier lors de la réunion territoriale de Saint-Etienne du débat sur la politique des transports dans la vallée du Rhône et l’arc languedocien éclaire cette position originale : « l’utilisation du camion est excessive, et rend indispensable une réflexion des transporteurs routiers sur ce sujet. En effet, la pratique des flux tendus a supprimé les stocks et reporté l’intégralité des réserves de produits dans les camions. Aujourd’hui, il devient important de mieux associer les différents modes de transports, et de mieux faire appliquer la réglementation du transport routier en Europe afin de mettre un terme au « dumping social » actuel. »
Le monde du transport et de la logistique va devoir en effet faire face à de profondes mutations. Il faut des visionnaires pour faire évoluer la profession.
La question de l’effet de serre est aujourd’hui essentielle : les données scientifiques disponibles démontrent que la division par deux des émissions est l’effort minimum que nous devons faire au niveau mondial. Pour la France cela se traduit par une division par 4 en 2050, c’est-à-dire en moyenne une diminution de 3% par an alors que l’augmentation des émissions des transports est de 1,6% annuelles en moyenne depuis 1990. La stratégie européenne de développement durable de juin dernier considère comme un des ses objectifs clé le transport durable, et vise à dissocier la croissance économique de la demande de transports.
Il s’agit donc à la fois de jouer sur la complémentarité des modes de transports et l’association de la route et du fer, mais de diminuer la mobilité en organisant mieux la relation entre la répartition des activités et la logistique. Les entrepreneurs de la logistique doivent donc s’orienter vers un service.
Les grandes entreprises sont aujourd’hui interpellées pour rendre compte de leur émission de gaz à effet de serre y compris dans la logistique induite. Les transporteurs devront donc rapidement proposer une traçabilité en matière de CO2.
Mais les acheteurs publics vont aussi s’orienter dans cette direction. Le nouveau code des marchés publics impose depuis le 1er septembre d’intégrer les critères de développement durable dès la définition des besoins : « La nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d’un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. »
La culture de votre entreprise permettra de vous vous positionner sur ces nouveaux marchés.
Jean Munster le sait son travail de formation, sur la sécurité, le suivi individuel.. Tout cela coûte et la productivité gagnée ne suffit pas toujours sur un marché où le dumping social et environnemental fait rage. Il faut trouver un modèle économique qui permettent de valoriser ce que l’on appelle la responsabilité sociale.
La mondialisation non maîtrisée conduit au dumping social. Les négociations entre pays tardent à mettre en place des règles et conduisent souvent l’alignement sur le plus petit dénominateur commun. La pression est donc reportée sur les entreprises elles-mêmes et le marché. Une négociation sur la RSE vient de commencer à l’ISO, c’est l’ISO 26000.
Les chargeurs devront garantir la RSE tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Pour cela il faut les entreprises sous-traitante qui pratiquent cette responsabilité et puissent la faire valoir sur le marché.
Cela me permet de revenir sur le début de mes propos. Jean Munster vous portez les valeurs de l’esprit stéphanois.
L’esprit stéphanois désigne l’amour du travail bien fait, la solidarité et la simplicité. Cet esprit puise sans doute ses racines dans la mine, mais, aussi plus loin dans le travail de l’arme et le tissage. Cet esprit se manifeste par un certain humanisme bienveillant.
Ces caractères sont-ils modernes ou surannés ? Saint-Etienne réouvre une ligne de tram aujourd’hui, mais était la seule ville à l’avoir conservé. Ce qui était suranné devient moderne.
Je pense qu’il y a un lien entre l’esprit stéphanois dans sa tradition et la responsabilité sociale dans sa modernité.
Vous me permettrez d’évoquer Henri Fayol, sorti de l’École des Mines de Saint-Étienne en 1860, il a fait sa carrière comme dirigeant de la compagnie minière de Commentry-Fourchambeau-Decazeville. Son livre « Administration industrielle et générale » qu’il publie en 1917 est un des ouvrages fondateurs du management. Ses 14 principes de management teintés d’humaniste, voire de paternalisme, l’oppose à son contemporain Frederick Taylor dont la théorie a donné l’organisation du travail qui a fait tant de dégâts et qui a été brocardée par Charlie Chaplin dans les temps modernes.
Parmi les 14 principes du management de Fayol on trouve notamment : la subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général ; l’équité qui va plus loin que la justice car cette dernière se limite selon lui souvent à des règles ; l’initiative reconnue même au plus modeste… Fayol est aussi à l’origine de l’approche du management moderne : PDCA, planifier, faire, contrôler et améliorer.
Fayol est reconnu aux Etats Unis parmi les 10 auteurs mondiaux du management, mais il est malheureusement ignoré en France et à Saint-Etienne. Vous trouverez une page sur lui sur l’encyclopédie Internet wikipedia en anglais mais pas en français.
Une anecdote personnelle, lors du conseil informel des ministres de l’environnement en juillet dernier en Finlande, le soir à table je me retrouve en face de Dick Roche, le Ministre irlandais de l’environnement, du patrimoine et des collectivités locales. Dès ses premières paroles, il me dit ne pas comprendre comment Henry Fayol soit à ce point ignoré en France.
Cet esprit stéphanois est moderne. Mais il doit se départir de son côté beauseigne et complexé. S’il y parvient, il saura conquérir les sphères nationales et internationales.
Il faut donc que Saint-Etienne sache reconnaître ses enfants natifs ou d’adoption, qui vont conquérir des marchés, prendre des responsabilités. C’est l’un d’entre eux qu’il m’est permis d’honorer aujourd’hui.
Cette cérémonie permet de faire le point sur ce que vous avez apporté, cher Jean Munster.
Mais ce n’est pas un point final. Cette ponctuation relève plus des points de suspensions qui laisse entendre bien d’autres choses.
L’entrepreneur ne s’arrête jamais, puisque sa nature est d’entreprendre.
C’est pourquoi le gouvernement a souhaité marquer la reconnaissance de notre pays pour votre réussite d’entrepreneur et votre engagement personnel au service de la collectivité.
Jean Munster
au nom du président de la République,
et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés,
nous vous faisons CHEVALIER de la Légion d’honneur.