Le rapport de la Commission modernisation de la fiscalité de l’Institut de l’Entreprise sur » La taxe carbone : mythe ou réalité ? De la théorie à la pratique « consacre un chapitre à la taxe extérieure carbone
Elle reprend ainsi la proposition que nous avons fait passer au forceps dans la SNDD actualisée en novembre 2006 : « Proposer au niveau européen un projet de fiscalité carbone aux frontières de l’Europe pour les produits en provenance d’Etats qui n’ont pas d’engagements de réduction d’émissions au titre du Protocole de Kyoto. ». Le cabinet du Premier ministre souhaitait cibler les pays industrialisés et les pays émergents et ne l’envisageait que pour l’après 2012, mais recommandait d’y travailler immédiatement puisque les négociations sont largement engagées, et cela concernerait seulement les produits industriels relevant des quotas.
La communication du Premier Ministre Dominique Villepin était plus guerrière : « le principe d’une taxe carbone sur les importations de produits industriels en provenance des pays qui refuseraient de s’engager en faveur du protocole de Kyoto après 2012. » Cette proposition avait conduit Stephen Harper, le Premier ministre canadien, à réagir vivement lors de la conférence climat de Nairobi (COP 12).
L’Institut de l’entreprise est sur la même longueur d’onde : « Il s’agit plus précisément, en l’absence d’un tel accord (hypothèse où un accord international satisfaisant succédant au protocole de Kyoto ne serait pas conclu), de protéger l’industrie européenne de pertes de compétitivité internationale qui résulteraient du surcoût lié à la politique de réduction des gaz à effet de serre — via les quotas d’émissions »
La taxe aux frontières doit être conçue comme un outil de régulation et non un outil de rétorsion, une mesure unilatérale qui sanctionnerait les pays ne s’engageant pas.
Il faut placer la taxe dans la négociation post 2012, pour qu’elle apparaisse comme un moyen de permettre des engagements plus importants des pays soumis à des obligations de réduction et éviter des délocalisations induites notamment dans les domaines du ciment, de l’acier….
Il ne s’agit pas de prendre une mesure unilatérale affichant une mesure protectionniste mais une contribution à une régulation multilatérale environnement. Le rapport le note d’ailleurs « comme l’objectif premier de la taxe est de rééquilibrer la concurrence, et non pas de réduire les émissions de gaz à effet de serre, il est difficile de savoir si l’ORD (l’organe de règlement des différends de l’OMC) considérera la taxe comme « se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables » ».
Il faudrait considérer cette mesure intégrable dans le post Kyoto. Elle passe par des accords par filières sur la comptabilité du carbone. Il est inéluctable que la traçabilité CO2 soit mise en place. Mais les économistes s’y opposent au nom des coûts de transaction, or une bonne connaissance des émissions par site et par filière est nécessaire. Y compris pour faire une bonne allocation des quotas au niveau européen. Mais pour cela il faut une bonne connaissance du marché, des coûts marginaux de réduction des GES.
Mais la question est peut être plus large, c’est la vision idéologique de la rationalité économique qui fonde les approches « tout taxe » contre la réglementation développée par l’Institut de l’entreprise. Le rapport admet des limites : « Il existe ainsi des cas où la réglementation peut être plus efficace que l’instrument fiscal: dans une situation de très faible élasticité de la demande et de forte myopie des acteurs, seule une dépense fiscale extrêmement importante sera nécessaire pour inciter ces acteurs (en l’occurrence les ménages) à modifier leurs comportements, permettant d’atteindre le niveau d’émission de CO2 visé. »
Ce n’est pas de la myopie mais le manque de lumière, la rationalité des acteurs est très limitée. Il faut éclairer le marché par les coûts, le coût des solutions… Il y a de la place pour des politiques industrielles.
Le Royaume Uni avec une administration plus importante que la notre, un fond carbone et l’initiative du « carbon disclosure project » dont les relations étroites permet à ce pays de connaître parfaitement le marché carbone et à diffuser les innovations. Le Royaume Uni a d’ailleurs été le seul pays dont la proposition de quotas à Bruxelles (PNAQ) ait été acceptée directement par les autorités européennes.
Pour en savoir plus voir la note de novembre 2006.