Création d’une Taxe Extérieure Carbone (TEC) européenne

Contexte

Présidé par le Premier ministre, le Comité interministériel du développement durable, du 13 novembre 2006, a validé le Plan Climat 2004-2012 actualisé et la Stratégie nationale de développement durable 2003-2008 actualisée. Dans son discours, le Premier ministre a indiqué : « Ce combat pour protéger l’environnement, il exige aussi que nous reprenions la main sur la scène internationale. L’environnement est un enjeu mondial. Nos efforts ne serviraient à rien si nous étions seuls à nous engager pour l’avenir de la planète. Sous l’impulsion du Président de la République, la France est en première ligne dans le combat en faveur de l’environnement. Protocole de Kyoto, projet d’Organisation des Nations Unies pour l’environnement, sur tous ces sujets, notre pays se mobilise sans relâche pour convaincre l’ensemble de nos partenaires de nous rejoindre. […] Pour autant, la difficulté des négociations à Nairobi le montre, certains pays pourraient être tentés de refuser de s’engager à de nouveaux efforts après 2012. Face à cela, je veux être très clair. L’Europe doit peser de tout son poids pour refuser cette forme de dumping environnemental. Je souhaite donc que nous étudiions dès maintenant avec nos partenaires européens le principe d’une taxe carbone sur les importations de produits industriels en provenance des pays qui refuseraient de s’engager en faveur du protocole de Kyoto après 2012. Nous ferons des propositions concrètes à nos partenaires européens en ce sens au premier trimestre 2007. »

A ce stade, nous appelons ce projet d’instrument la Taxe Extérieure Carbone (TEC).

Mesure proposée

Il est proposé la création d’une fiscalité carbone aux frontières de l’Europe pour les produits en provenance d’Etats qui refuseraient de prendre des engagements de réduction d’émissions au titre du Protocole de Kyoto, après 2012.

L’objectif est d’éviter des distorsions de concurrence entre les produits en provenance d’installation de pays soumis à des contraintes de réduction des émissions et ceux en provenance de pays ne contribuant pas à la lutte contre le changement climatique.

La proposition du gouvernement français qui sera présentée à ses partenaires européens permet de définir un instrument simple et universel aux frontières. Soit les biens industriels importés proviennent de pays ayant des objectifs quantifiés en terme de lutte contre l’effet de serre, et dans ce cas, ils ne sont pas taxés. Soit, ils n’en proviennent pas, et dans ces conditions, ils sont soumis à une taxe d’importation en rapport avec les émissions de carbone liées à leur production. En revanche, pour les pays à faible niveau de développement, si le cadre international prévu pour l’après-2012 ne prévoit pas d’engagements de réduction de leurs émissions, en application du principe de la responsabilité commune mais différenciée, les exportations de ces pays ne seraient pas concernées.

 

Il y a encore de nombreuses modalités à explorer. Le débat est maintenant ouvert aux niveaux français et européen.

Explication de la proposition

Les questions climatiques deviennent aiguës. L’augmentation de l’effet de serre résultant des activités humaines n’est plus un phénomène dont les scientifiques doutent de nos jours. Au-delà d’une hausse de 2°C, la probabilité d’avoir des évènements extrêmes devient très importante. Il faut donc des politiques climatiques offensives. Compte tenu du principe de responsabilités communes mais différenciées et des besoins d’augmentation des pays en développement, l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre visé à horizon 2050 pour les pays industrialisés doit être d’un facteur 4 à 5.

Le défi est d’autant plus grand que la demande mondiale de l’énergie – première origine de contribution aux émissions – croît à raison de 2% par an, et ce de manière stable. Cette croissance s’alimente de deux révolutions. Nous étions 3 milliards en 1960, 6 milliards aujourd’hui et nous serons 8.5 ou 9 milliards en 2050. Aujourd’hui près de 2 milliards d’individus n’ont pas accès à l’énergie. L’irruption de l’Asie, en particulier de la Chine et de l’Inde, rend irréaliste un arrêt brutal de cette croissance, même si les pays industrialisés se mettent beaucoup plus drastiquement à économiser l’énergie. Par contre, les limites en quantité des ressources fossiles ne peuvent à elles seules permettre de régler le problème du climat. De 1860 à 1998, 300 milliards de tonnes de carbone ont été émis dans l’atmosphère. Le potentiel d’émissions lié à ces réserves de charbon, de pétrole et de gaz reste énorme de l’ordre de 5 000 milliards de tonnes, c’est à dire bien plus que ce que la planète pourra supporter.

Pour répondre à ce défi, il faut mettre en place une politique globale permettant de maîtriser les consommations et généralisant les systèmes de production non émetteurs de carbone fossile, c’est à dire les énergies renouvelables aussi bien dans le domaine de l’électricité, la chaleur ou les carburant, mais aussi les systèmes de captage et de stockage du CO2, couplés aux centrales thermiques ainsi que le nucléaire.

Compte tenu des surcoûts induits, il faudra un cadre réglementaire mondial pour l’imposer aux opérateurs. Une partie de ce cadre existe avec comme point pivot la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). D’ailleurs, lors du sommet des 28 novembre au 9 décembre 2005, à Montréal, un accord à été trouvé, pour organiser un dialogue ouvert, pragmatique et incluant toutes les parties, dans le but de définir un cadre pour la période commençant en 2013, date de la fin de validité du protocole de Kyoto.

Toutefois, les pays qui ne sont pas soumis à des objectifs chiffrés ou qui n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto n’ont pas encore exprimé à ce stade une position franche indiquant qu’ils accepteraient des objectifs chiffrés à cet horizon. Comme la France et l’Europe souhaitent être dans l’avant garde des pays actifs pour lutter contre l’effet de serre, il faut affronter au mieux ce défi de l’après 2012. Une solution est d’imposer, à cet horizon, une Taxe Extérieure Carbone (TEC) au niveau de l’Union européenne. Cette taxe contribuerait, par ailleurs, à l’établissement d’une référence mondiale du prix du carbone, comme le recommande Sir Nicholas STERN. Tout bien, même produit dans un pays n’ayant pas un objectif quantifié de lutte contre l’effet de serre, sera potentiellement soumis à la taxe lors d’une importation en Union européenne qui est le plus vaste marché mondial.