Cérémonie de clôture de la conférence euro-africaine « eau et territoires » Paris, le 23 mars 2005
Intervention de M. Christian Brodhag, Délégué Interministériel au Développement Durable, France
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Directeur général de l’UNESCO
Mesdames et Messieurs les Présidentes et Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à excuser Pascal Berteaud, le directeur de l’eau qui a du être appelé en urgence à l’Assemblée nationale. Il m’a demandé de le remplacer ce que je fais avec d’autant de plaisir que c’est pour moi un anniversaire, je suis intervenu à la même tribune il y a 6 ans. Alors président de la Commission Française du développement durable j’intervenais dans le cadre de la Conférence de Paris sur l’eau et le développement durable qui préparait la 6ème session de la Commission du développement durable.
Je souhaite tout d’abord à nouveau remercier l’Académie de l’eau et son Président, Marc GENTILINI, pour l’organisation de cette conférence à l’occasion de la journée mondiale de l’eau.
Je tiens à remercier nos partenaires africains et plus particulièrement Madame MUTAGANBA la Ministre d’Etat de l’eau de l’Ouganda qui assure la présidence de la Conférence des Ministres Africains de l’eau, avec l’énergie et la conviction qui ont été notées par le président..
Je souhaite également remercier l’ensemble des intervenants de ces deux journées qui ont apporté des contributions très intéressantes et pertinentes pour un renforcement des liens entre les politiques relatives à l’eau et aux territoires en Europe et en Afrique.
Comme Bérengère Quinci a détaillé l’action internationale de la France, permettez-moi d’inscrire les recommandations qui sont issues de ces deux journées dans la perspective du développement durable fondée sur les principes de la déclaration de Rio et le programme Action 21. Le développement durable considère l’environnement comme la base du développement. Comme le rappelle un des considérants de la charte de l’environnement inscrite désormais dans la constitution française : « L’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ». J’ajoute donc dans le contexte qui est le nôtre : la qualité de l’eau au robinet ou au puits est liée à la qualité des écosystèmes aquatiques.
Autre lien est particulièrement fort pour l’eau, la dimension culturelle. Par culture j’entends le sens que lui donne Edgar Morin dans « Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur » un document publié en 1999 par l’UNESCO : « La culture est constituée par l’ensemble des savoirs, savoir-faire, règles, normes, interdits, stratégies, croyances, idées, valeurs, mythes qui se transmettent de génération en génération, se reproduit en chaque individu, contrôle l’existence de la société et entretient la complexité psychologique et sociale. » S’agit-il d’un pilier du développement durable supplémentaire, ou plutôt de la dimension essentielle des relations entretenues entre les hommes et avec leur environnement et le sens de leur action.
La durabilité devra se fonder sur l’interdépendance de ses trois piliers : croissance économique, équité sociale, protection de l’environnement, auxquels certains rajoutent l’amélioration de la gouvernance. L’environnement et le développement sont indissolument liés et prendre la voie du développement durable est non-seulement d’une importance capitale, du fait d’une urgence de plus en plus contraignante de conjurer certains périls, mais doit être une opportunité.
Bien entendu la réflexion sur développement durable a conduit mettre en avant des principes comme la prévention et la prudence en l’absence de certitude (principe de précaution). S’appuyant sur des approches plus « système » et moins sectorielles, il recommande des approches intégrées et de nouvelles formes de gouvernance. L’intégration s’entend à la fois comme la prise en compte de la question de l’eau, son économie et sa préservation en qualité, dans les autres secteurs et dans l’aménagement du territoire, mais aussi des méthodes comme l’internalisation des coûts environnementaux (utilisateurs/payeurs et pollueurs/payeurs) tout en mesurant les limites de ces outils dans les logiques multiusages.
Sur le plan social, le développement durable vise l’accès de tous aux services de base, l’égalité entre les sexes et l’équité entre les générations, en s’appuyant sur des principes de solidarité et de responsabilité partagée, mais différenciée, entre pays développés et pays en développement. Je rappelle la deuxième phrase de la définition donnée par le rapport Brundtland au développement durable : « Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoin », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale imposent sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. ».
Ces objectifs nécessitent un processus de participation et de responsabilisation des acteurs fondé sur un libre accès à l’information. Mais comme le considère la charte française de l’environnement le droit à l’environnement se paie de devoirs, et l’éducation doit permettre d’assumer ces droits et ces devoirs.
Cette approche affirme la valeur stratégique de la diversité et souligne la nécessité d’éviter l’illusion d’un modèle unique de développement, d’un modèle unique de gestion de l’eau alors que les conditions culturelles, économiques, naturelles et politiques sont différentes.
Ce choix est celui d’une gestion durable des ressources et des territoires, d’une valorisation de la diversité naturelle et culturelle et d’une dynamique de complémentarité et d’échanges avec notamment l’Europe. Il manifeste le refus d’un scénario de développement inégal du Nord et du Sud, déséquilibré, uniformisateur et gaspilleur et une volonté collective d’inverser les perspectives sombres d’un scénario tendanciel.
Permettez-moi de tenter une vision à long terme de ce processus fondée sur une Afrique durable, devenue un espace de stabilité politique et de paix. Cette vision se fonde sur le choix volontaire d’un scénario de coopération gagnant-gagnant, difficile, qui dans un intérêt mutuel bien compris, aura favorisé le co-développement du nord et du sud, en même temps qu’il aura garanti la synergie positive de la bonne gestion de l’environnement et du développement économique et social.
Je vous rappelle qu’en France une récente loi, la loi Oudin, permet d’allouer jusqu’à 1% du budget des services des eaux ou des agences de l’Eau à la coopération décentralisée. Il s’agit là d’argent mais aussi d’échange et de coopération humaines.
Je pense que les deux journées de cette conférence débouchent sur des recommandations concrètes et utiles pour cette perspective à long terme. Ces recommandations méritent maintenant d’être portées au plan international afin de pouvoir être prises en compte dans les politiques menées par les pays eux-mêmes ainsi que dans les enceintes multilatérales et auprès des bailleurs de fonds.
C’est une nouvelle étape que doit mener dès maintenant l’Académie de l’eau pour faire connaître et reconnaître ses contributions en faveur de l’intégration de l’eau dans les politiques sectorielles, en particulier, dans les politiques d’aménagement du territoire.
Soyez assuré, Monsieur le Président GENTILINI, que le gouvernement français vous aidera en ce sens notamment lors du 4ème forum mondial de l’eau qui se tiendra exactement dans un an à Mexico. Il s’agira de contribuer à la mise en mouvement vers le développement durable à l’échelle mondiale.
Je vous remercie de votre attention.