Trois mois après la fièvre du sommet de Johannesburg sur le développement durable, le diagnostic ébauché il y a 10 ans à Rio sur la crise écologique et sociale mondiale est plus que jamais d’actualité. Jacques Chirac déclarait à la tribune « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Les chefs d’Etats ont signé un programme d’action visant à lutter contre la pauvreté, modifier les modes de production et de consommation pour tenir compte des contraintes de l’environnement et gérer de façon équitable les ressources naturelles bases du développement actuel et à venir. Mais, derrière ce consensus de façade, chacun retourne chez lui pour faire comme avant, car il est toujours urgent d’attendre avant de se préoccuper des générations futures.
Prenons l’exemple des changements climatiques. Pour stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, il faudrait réduire les émissions de 50%. Or le protocole de Kyoto n’aurait permis de diminuer ces émissions que de 5%. Ce chiffre ne sera pas atteint car les Etats-Unis refusent cet accord jugé trop contraignant, et ils préfèrent maîtriser par la guerre les gisements pétroliers irakiens plutôt que de mettre un frein à leur boulimie. Un américain moyen consomme en effet 10 fois plus de surface terrestre et rejette 16 fois plus de gaz à effet de serre qu’un africain ou un asiatique. Mais l’européen n’est pas exempté de responsabilité, avec respectivement 4 et 6 fois plus, il est aussi bien au-dessus de ce que la planète peut supporter.
Tous les secteurs sont concernés. En France, la contribution à l’effet de serre du secteur des transports passera de 22% en 1997 à 34% en 2010. L’amélioration du rendement des moteurs permet certes de diminuer le carburant consommé et donc les gaz émis, mais le dernier mondial de l’automobile a montré que ces gains étaient annulés par l’augmentation du poids et du volume des véhicules. Mais la raison profonde de la croissance de la pollution des transports, est l’augmentation de la mobilité, c’est à dire des distances parcourues pour transporter hommes et marchandises du fait de l’étalement urbain et de l’organisation de la production industrielle.
Pour s’y attaquer, il faut à la fois jouer sur la technologie des véhicules, les infrastructures collectives, la structure et l’organisation des villes, les modes de productions et de consommation, la fiscalité et le cadre juridique… Devant l’ampleur de cette tâche, politiques et industriels préfèrent souvent « regarder ailleurs », circulez ! Il n’y a rien à voir. On sait que le moindre accroc avec les transporteurs routiers peut paralyser la France.
Le gouvernement devrait annoncer prochainement un plan de développement durable au niveau interministériel, sera-t-il cosmétique en proposant une utilisation édulcorée et superficielle du mot développement durable ou s’attaquera-t-il au cœur des problèmes ? Comment, enfin, dans le chantier de la décentralisation, engager les élus locaux dans le sens du développement durable ?