Quand j’étais délégué interministériel au développement durable les consultants chargés de conseiller l’Etat pour la RGPP Révision générale des politiques publiques ont débarqué pour identifier un indicateur de performance sur mon activité. Les directeurs d’administration centrale allaient voir leur prime indexée sur ces indicateurs de performance.
La tâche du service que je dirigeais était qualitative de mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Développement Durable et de coordination et d’animation des ministères. Elle ne se prêtait bien entendu pas à un indicateur quantitatif. Ils ont cherché dans la stratégie nationale de développement durable un objectif chiffré susceptible de devenir un indicateur de performance.
Eurêka, ils ont trouvé dans la SNDD un objectif de 400 agendas 21 locaux, les stratégies locales de développement durable dans les collectivités. Ce nombre serait l’indicateur de performance. Au même moment nous définissions un référentiel Agenda 21 locaux et un dispositif de reconnaissance pour monter leur niveau. Le jury, impliquant différentes administrations et la société civile, retenait les 2/3 des dossiers soumis. J’ai donc expliqué à ces brillants consultants qu’il suffisait que je reconnaisse tous les dossiers pour gagner 50% sur l’indicateur.
Pas de problème, ils ont trouvé la solution : le pourcentage de réussite des dossiers. J’étais loin d’être convaincu, parce que cela ne résolvait pas le problème, puisque l’indulgence du jury pouvait facilement augmenter l’indicateur.
Devant leur incompréhension, j’ai jeté l’éponge et ils ont conservé cet indicateur. Ai-je appliqué cette logique ? et poussé pour que tous les dossiers y compris médiocres soient acceptés, pour optimiser ma prime. Non je ne l’ai pas fait.
Je n’ai même pas eu le besoin d’être vertueux. N’étant alors pas fonctionnaire mais seulement directeur de recherche contractuel à l’Ecole des Mines de Saint-Etienne je n’avais pas droit à une prime.
La question de fond est que le monde conçu par ce type de consultants est celui de la comptabilité. L’accumulation d’indicateurs contribue selon eux à la rationalité. Il n’y a pas place à la réflexion stratégique. Le clivage Taylor/Fayol reste d’actualité. Le premier mesure la performance par mesures et indicateurs, le second dirige l’entreprise en connaissant le métier.