La Commission du développement durable (CDD) des Nations unies a porté, en 1999, sur le tourisme et la France n’y a pas été représentée par le ministre en charge de cette responsabilité. Elle aurait pourtant pu mettre en avant les éléments les plus valorisables en termes de développement durable : tourisme culturel, tourisme vert, conservatoire du littoral… On considérait que c’était sans doute une affaire purement environnementale. La CDD de 2000 porte sur l’agriculture et la gestion intégrée des terres. Pour l’instant, la seule approche officielle semble celle de préserver les subventions publiques en les conditionnant à quelques contraintes environnementales, ou en évoquant les contrats territoriaux d’exploitation (CTE). Sans mésestimer l’importance de cette position, la France passe à côté de la dimension culturelle du problème et des valorisations économiques de ses terroirs. La contribution de la France au colloque Agriculture multifonctionnelle et terroir de la FAO à l’automne dernier n’évoque ni le concept de terroir (pourtant présent dans le titre de la conférence) ni les labélisations AOC.
Cet article vise à articuler un discours dans le contexte du développement durable, qui est bien plus que la modulation des pollutions agricoles aiguës. Il ne s’agit pas de défendre en reculant une exception culturelle française mais de développer un discours positif et stratégique qui pourrait trouver des échos favorables dans de nombreux pays du sud. Nous traiterons ensemble les problèmes agricoles et touristiques qui sont étroitement liés.
Cette intégration considère le terroir, c’est-à-dire la complexité écologique, géographique et culturelle du territoire comme un facteur de production à part entière. La plupart des approches actuelles de l’agriculture visent à désigner par le terme d’agriculture durable des modes de production contrôlant intrants et extrants limités aux flux physiques, que ce contrôle soit strict comme avec l’agriculture biologique ou très faible, comme avec l’agriculture raisonnée. Cette dernière pourrait faire l’objet de procédures type ISO 14001, c’est-à-dire fondées sur des modes de management, engagement de moyens et non obligation de résultats [[Selon les propositions de Guy Paillotin, Rapport au ministre de l’Agriculture et de la Pêche, février 2000, à lire à www.ladocfrancaise.gouv.fr/cgi-bin/multitel/CATALDOC/]].
1. Consommation durable et biens culturels
En réaction à la mondialisation des échanges et à l’uniformisation des produits dans le domaine de la consommation grand public, en raison des modèles de styles de vie qui sont véhiculés par les médias ainsi que par la publicité des sociétés multinationales, on assiste, principalement dans les pays industrialisés, à une recherche accrue d’identité et de diversité. De nouvelles activités économiques en pleine expansion sont fondées sur des produits et des services dans les secteurs des loisirs, du tourisme, de l’agro-alimentaire, de l’artisanat.
Cette diversité s’appuie souvent sur la construction artificielle de différents produits, images de marketing en fait semblables sur le fond. Mais elle peut aussi s’appuyer sur des diversités de production réelles et authentiques. De plus en plus, ces produits font appel, grâce au marketing, à un retour au passé, puisant dans l’histoire locale des images, des récits, ainsi que l’utilisation de savoir-faire locaux. Nous consommons des symboles et c’est tout l’art du marketing et de la publicité de donner une image au produit, de lui donner du sens.
Mais l’intégration vers le développement durable de ces tendances ne peut se satisfaire de simples images publicitaires, il convient de poser le problème de la durabilité de ces activités, c’est-à-dire à la fois leur pérennité sur le long terme et la contribution qu’elles apportent au développement durable tant au niveau local que global. On doit aussi s’interroger sur la façon dont cette demande peut contribuer au développement des pays du sud et des plus pauvres ; dans le contexte de la mondialisation économique.
De manière générale, on considère que la consommation durable passe, sur le plan environnemental, par la conception et la consommation de produits et de services sobres et propres, nécessitant peu d’énergie et de ressources, ne présentant pas de danger et ceci sur l’ensemble de leur cycle de vie. L’exploitation touristique, par exemple, doit respecter la charge limite susceptible d’être supportée par les milieux d’accueil. Mais le problème ne se limite pas à l’environnement, la durabilité doit aussi être culturelle et sociale.
Le domaine du tourisme durable a fait l’objet d’une réflexion approfondie lors de la 7e session de la Commission du développement durable. Le tourisme durable s’est vu assigner une double vocation : » augmenter les avantages que les communautés d’accueil peuvent retirer des ressources touristiques et maintenir l’intégrité culturelle et écologique des communautés d’accueil « . Le tourisme doit donc préserver » les legs du passé, le patrimoine et l’intégrité naturels, et culturels, des destinations touristiques et en respecter les normes socioculturelles, en particulier dans les communautés autochtones « . Il y a donc une dualité nature/culture dans ce problème.
Les objets culturels historiques et les espaces naturels exceptionnels doivent être protégés et leurs usages encadrés pour éviter de les détruire, car ils ne peuvent pas être reproduits, même si on peut les restaurer partiellement. Ces protections spécifiques, que les objectifs du développement durable doivent renforcer et non affaiblir, ne seront pas développées dans cet article. Nous devons adopter ici une vision étendue de la culture, et des cultures, comme le propose Edgar Morin : » On dit justement La Culture, on dit justement les cultures. La culture est constituée par l’ensemble des savoirs, savoir-faire, règles, normes, interdits, stratégies, croyances, idées, valeurs, mythes qui se transmettent de génération en génération, se reproduit en chaque individu, contrôle l’existence de la société et entretient la complexité psychologique et sociale. Il n’est pas de société humaine, archaïque ou moderne, qui soit sans culture, mais chaque culture est singulière. Ainsi, il y a toujours la culture dans les cultures, mais la culture n’existe qu’à travers les cultures. […] Le double phénomène de l’unité et de la diversité des cultures est crucial. La culture maintient l’identité humaine dans ce qu’elle a de spécifique ; les cultures maintiennent les identités sociales dans ce qu’elles ont de spécifique. « [[Edgar Morin, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, © UNESCO, octobre 1999, disponible sur Internet à www.agora21.org/unesco/7savoirs/index.html]]. C’est dans ce sens que les cultures sont des composantes essentielles à la culture universelle. Ces cultures vivantes sont très contemporaines, même si le passé y tient une part importante.
Nous allons considérer les fondements culturels et écologiques des productions à forte identité et grande valeur patrimoniale, et nous intéresser à leur relation avec le développement durable local, d’une part, et la mondialisation, de l’autre. Bien entendu, nous considérons que la production de biens publics culturels ne peut être conçue seulement pour leur exploitation commerciale, car ils jouent un rôle essentiel dans la sphère sociale et le secteur informel.
1.1. Exemple : Barbizon
On trouve dans cet exemple deux éléments fondamentaux qui sont un élément de typicité et d’identité construit sur le patrimoine historique et une reconstruction moderne d’activités artistiques et de loisirs. Ici l’élément historique est la présence (fortuite) de peintres, mais cette composante historique est souvent liée à des pratiques sociales construites sur des ressources ou des contraintes locales.
On peut donner l’exemple de matériaux (minéral ou végétal) qui contribuent à caractériser les constructions locales et donc le paysage. Le maintien des activités artisanales (toits en lause, en ardoise ou chaume dans certaines régions françaises, par exemple) représente de l’emploi local qui valorise des matériaux locaux souvent produits avec un impact plus faible sur l’environnement que des matériaux industriels importés. La réhabilitation de maisons anciennes, au lieu de constructions nouvelles, permet des économies de matières premières. L’hébergement en gîtes ruraux permet de maintenir et réhabiliter le patrimoine bâti, de développer un accueil fin sur le territoire, mais aussi d’augmenter les contacts entre les touristes et la population et ses productions locales.
En même temps, ces pratiques contribuent à maintenir sans les dénaturer les ressources écologiques ou culturelles et les caractéristiques originales des paysages, susceptibles d’attirer les touristes et donc d’apporter des revenus aux communautés locales. Cette approche n’empêche pas l’évolution des savoir-faire techniques traditionnels au travers des connaissances ou des besoins nouveaux. L’habitat traditionnel, par exemple, doit être amélioré par des techniques modernes d’isolation thermique.
Il s’agit de préserver des systèmes sociaux et culturels complexes dont les éléments se renforcent les uns les autres. Le domaine agro-alimentaire est l’illustration, par exemple, d’un équilibre entre ressources locales et pratiques alimentaires. » Ces ressources locales sont des lieux d’articulation privilégiés entre les faits biologiques et les faits sociaux. A l’intérieur d’un large cadre et selon des degrés d’intensité variable, elles font jouer une appartenance à un lieu géographique, un ancrage historique déterminé, des usages locaux, des savoirs, des pratiques techniques, des attitudes et des représentations qui leurs sont propres. […] Longtemps demeurées en marge de l’économie de marché, à quelques exceptions près, elles auraient dû disparaître, si leur intérêt économique avait été seul retenu. Il faut ici compter avec les facteurs sociaux qui ont déterminé leur survie, tels que les habitudes alimentaires ou la dimension identitaire. » [[Laurence Bérard, Philippe Marchenay : Ressource des terroirs et diversité bio-culturelle, perspectives de recherche, Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée (JATBA), 1994, vol. XXXVI (2), 87-91]]
En fait, trois types de productions économiques sont concernés par cette approche de développement local fondé sur des patrimoines culturels et environnementaux : l’artisanat, l’agro-alimentaire et le loisir/tourisme. Ces trois thèmes sont en interrelation et doivent être approchés de façon intégrée dans une approche systémique. En effet, l’impact économique du tourisme ne se limite pas aux seules nuitées et aux recettes directes des infrastructures touristiques (musées, parcs de loisirs, activités sportives…), mais il stimule aussi la consommation de produits alimentaires locaux ou l’achat de produits artisanaux et culturels.
La figure 1 (ci-dessous) illustre cette problématique. On y a distingué sur chacun des trois thèmes une partie des activités à vocation locale et une autre (en grisé) à vocation plus nationale ou internationale. Il est évident que le tourisme s’adresse en majeure partie à des consommateurs venus d’ailleurs. Néanmoins, les loisirs de proximité sont loin d’être négligeables. Il est même souhaitable de les développer du fait que l’un des impacts majeurs du tourisme sur l’environnement est l’augmentation de la mobilité qui induit une augmentation des transports. Ces loisirs culturels de proximité contribuent au développement personnel et au développement social local vu comme une pratique collective.
Figure 1. Les relations entre les productions à caractère culturel et le niveau local
Une autre façon de minimiser le poids des transports dans l’activité touristique est l’augmentation des temps de séjour dans un lieu donné. Cela permet non seulement une consommation moindre en terme d’énergie, mais laisse le temps au touriste de connaître en profondeur le pays d’accueil et, donc, d’adopter des comportements plus responsables. Enfin, la diversité des activités (écotourisme, activités éducatives…) peut entraîner l’augmentation de la durée d’usage des infrastructures touristiques permettant de les rentabiliser toute l’année et de contribuer ainsi à un développement local plus équilibré (problème des saisonniers).
En revanche, l’artisanat et l’agro-alimentaire s’adressent de façon plus importante aux consommateurs locaux, ce qui peut être d’ailleurs un gage de leur authenticité. » Contre toute attente, les habitudes alimentaires régionales perdurent et contribuent à l’entretien de la diversité des végétaux cultivés ou de races animales domestiques. On continue à cultiver un légume ou un fruit parce qu’il entre dans la composition d’un plat, sert d’assaisonnement, subit une transformation appropriée à des besoins. » [[ibid. note 2]] C’est cette diversité qui ensuite fera la typicité des restaurants et auberges de la région.
Avant de développer les mécanismes d’intégration et d’organisation de ces marchés spécifiques, nous allons nous intéresser aux conditions de production de ces spécificités locales qui intègrent à la fois des dimensions culturelles et naturelles. On peut noter au passage que ces dimensions, environnementales et sociales, sont vues ici en termes de synergie et non d’opposition comme c’est trop souvent le cas.
1.2. Productions locales
La durabilité de l’exploitation de ces ressources patrimoniales devrait répondre à trois conditions :
a) préserver les conditions de leur renouvelabilité, c’est-à-dire de minimiser l’impact de leur exploitation et promouvoir un niveau suffisant de leur production ;
b) partager de façon équitable les revenus entre les acteurs du territoire qui sont les producteurs de ces caractéristiques culturelles et naturelles (externalités positives ou biens publics) ;
c) mettre en place des mécanismes de bonne gouvernance locale permettant d’appuyer les productions particulières sur des stratégies de développement durable du territoire partagées par l’ensemble des acteurs, et éviter les effets d’éviction du développement d’une mono-culture.
a) Préserver leur renouvelabilité
Comme le disait René Dubos, » chaque lieu a son propre esprit qui façonne progressivement son aspect physique et le génie de sa population. […] Je suis de tout cœur avec ceux qui croient que les paysages affectent profondément l’existence de l’homme » [[René Dubos, Les Dieux de l’écologie, Fayard, 1973]]. Toute exploitation durable de ces ressources culturelles locales doit donc en respecter les conditions de renouvelabilité, c’est-à-dire les structures environnementales et sociales qui les ont produites. Faute de cela, on risque au mieux d’artificialiser un simulacre de culture dans des parcs de loisirs ou avec des objets dit artisanaux sans authenticité, au pire de détruire complètement ces caractéristiques. La commercialisation de la culture autochtone ou locale doit donc être opérée avec discernement et associer à la prise de décision les groupes sociaux concernés. Elle passe notamment par une revalorisation de la culture traditionnelle dans l’esprit de ceux qui la vivent et souhaite la partager avec des visiteurs.
Est-ce à dire que toutes les traditions seraient bonnes en regard du développement durable ? Certainement pas. Des problèmes liés aux droits de la personne humaine ou des problèmes environnementaux révélés par les connaissances modernes doivent être pris en compte. Une gestion moderne ne doit ni les reprendre intégralement ni les ignorer, il faut les revisiter à la lumière de connaissances modernes (par l’évaluation de leur impact environnemental notamment) en impliquant les acteurs locaux concernés. Il convient donc de trouver un équilibre entre tradition et modernité.
C’était la question posée par certaines délégations à la CDD : » il faudrait se pencher sur la façon dont le savoir, la culture, les pratiques et les modes de vie traditionnels peuvent se fondre dans les approches modernes de promotion des modes de consommation et de productions durables. « [[Commission du développement durable, projet de résolution dont la Commission a recommandé l’adoption au Conseil économique et social, in Rapport sur les travaux de la septième session, 9-30 avril 1999, Conseil économique et social, Documents officiels, 1999, supplément 9 E/1999/29 E/CN.17/1999/20 (www.agora21.org/cdd7/csd7fsup.pd), §52. p. 42, et travaux de la Conférence sur les modes de consommation durable : tendances et traditions en Asie de l’Est, République de Corée, janvier 1999]]
b) Partage des bénéfices
L’exploitation de tout patrimoine passe par le partage des bénéfices. Ici, il faut partager la valeur ajoutée par ce patrimoine culturel collectif. Il ne s’agit pas uniquement de droits d’auteur au sens classique, mais de rémunérer un bien public impur, produit par de multiples acteurs privés et publics. Bien entendu les deux autres qualités nécessaires pour parler de bien public, non-exclusivité et sans rivalité, sont limitées par les capacités de charge des milieux. Même si les diversités écologiques et culturelles sont des biens publics mondiaux, leur production est principalement d’essence locale.
De plus les acteurs qui créent ces biens publics sont principalement locaux, il est donc nécessaire d’apporter la valeur ajoutée au territoire lui-même, c’est-à-dire d’augmenter sa contribution au développement durable local. Le problème est moins de promouvoir l’extensification de la production agricole dans les espaces difficiles que de maximiser la valeur ajoutée au territoire. Sur un thème que nous approfondirons plus loin, celui des vins en France, la loi française sur les appellations d’origine impose, par exemple, que l’embouteillage soit fait sur place, ce qui fait aussi travailler des artisans locaux.
Dans l’ensemble du cycle de vie du produit, une part équitable doit donc revenir à la production locale : cela passe par un cadre juridique adéquat mais aussi par une organisation des producteurs locaux pour leur permettre de gérer leurs spécificités et négocier avec le commerce et la distribution, voire même d’assurer eux-mêmes la distribution. La logique de circuits courts va dans ce sens. Elle permettait la maîtrise de la commercialisation par les producteurs dans un système où la transaction commerciale et l’acheminement du produit sont liés. Elle est aujourd’hui complétée par des systèmes de commercialisation comme Internet où la transaction reste capillaire et sur mesure, mais le produit circule sur une plus grande distance. Cela pourra poser des problèmes d’un accroissement de la mobilité des marchandises au niveau international.
Le cas de la biodiversité des espèces domestiques, qui est la base de la production alimentaire, permet d’illustrer ce problème. Cette biodiversité est le résultat de la lente évolution des relations homme/milieu. En effet, la nécessité pour l’homme de s’adapter au milieu l’a poussé à mettre au point des types de production, des savoir-faire particuliers, il a mené une pression de sélection sur les espèces les plus adaptées à son territoire et a mis au point des techniques de transformation, c’est ce qui a donné des produits spécifiques liés au territoire. Ceci est une production de bien public. En effet, comme l’homme par son travail a élaboré des espèces, sélectionné des gènes, il s’agit d’une création intellectuelle collective valorisable par tous. Les parties contractantes de la Convention sur la biodiversité se sont d’ailleurs engagées à respecter, préserver et maintenir » les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, en favorisent l’application sur une plus grande échelle, avec l’accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encouragent le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques » [[Convention de la biodiversité, Article 8 j : Conservation in situ. La copie peut être trouvée en version bilingue sur site Agora 21 : www.agora21.org/cdb]] . Ce partage doit avoir lieu prioritairement au niveau local.
La seconde condition de la durabilité de l’exploitation de ces patrimoines est donc un partage équitable des revenus entre les acteurs du territoire qui sont les producteurs des biens publics.
c) La gouvernance locale
La production de biens publics et la répartition équitable des revenus qu’ils procurent passent par la mise en place ou le renforcement des capacités des acteurs locaux. Par cela on entend les » processus par lesquels les individus, les groupes, les organisations, les institutions et les pays développent leurs aptitudes, individuellement et collectivement, en vue de s’acquitter de fonctions, résoudre des problèmes et atteindre des objectifs » [[La gouvernance en faveur du développement humain durable. Document de politique générale du PNUD. Programme des Nations unies pour le développement. Janvier 1997, New York]]. Les acteurs sur lesquels se fonde la production de ces biens culturels sont concernés en premier lieu par ce renforcement des capacités. Mais il y aurait un réel danger pour la pérennité à long terme de ces ressources qu’elles deviennent une mono-activité. Il faut préserver un équilibre avec la vie des habitants permanents et leurs relations économiques (formelles ou informelles) et sociales, c’est à dire préserver un développement équilibré du territoire local. Pour cela, il faut envisager des mécanismes de gouvernance locale permettant de concilier les différents intérêts : publics (collectivité locale), économiques et ceux de la société civile en les articulant avec les niveaux régional et national. Ces mécanismes de bonne gouvernance, qui doivent permettre d’allouer et de gérer collectivement les ressources, » se caractérisent par la participation, la transparence, la responsabilité, la primauté du droit, l’efficacité et l’équité » [[réf. note 6]]. Parmi ces mécanismes de gouvernance locale on doit citer l’importance des programmes, Action 21 locaux ou Agendas 21 locaux, comme cadre de référence permettant de faciliter la coopération entre les parties prenantes. [[Un Mémorandum d’accord a d’ailleurs été signé entre le Conseil international pour les initiatives locales en matière d’environnement (ICLEI) et le Conseil mondial des voyages et du tourisme pour mettre en œuvre ces Agendas 21 locaux à l’appui du développement durable dans les principales destinations touristiques du monde entier. Commission du développement durable, réf. note 8, §12. p. 61]]
La troisième condition est donc la mise en place de mécanismes de bonne gouvernance locale permettant d’appuyer les productions particulières sur des stratégies de développement durable du territoire, partagées par l’ensemble des acteurs.
Tous les territoires sont concernés à des degrés divers par de telles approches. Les territoires les plus vulnérables, ou ceux qui sont les dépositaires de caractéristiques originales, pourraient tirer le plus de profit de telles approches. On peut citer, en premier lieu, les zones de montagne, les îles et les zones côtières, ainsi que les centres de biodiversité…
Ces approches peuvent s’appliquer dans les pays du Sud qui sont souvent largement tributaires de l’exportation de leurs ressources naturelles. La commercialisation de produits plus élaborés, et un apport de valeur ajoutée, diminuera pour les pays l’impact de l’exploitation de leurs ressources tout en augmentant les revenus qu’ils en tirent.
2. Comment mettre en œuvre ces approches ?
Comme on l’a mentionné plus haut, les échanges économiques des biens à forte identité culturelle concernent, avant tout, les populations locales. Leur origine puise ses racines dans une relation intime entre producteurs et consommateurs, les produits bruts sont transformés au niveau domestique. Les pratiques alimentaires, essentiellement d’ordre culturel, sont en équilibre avec les pratiques de production locale. Dès qu’on envisage un consommateur distant, c’est-à-dire le marché mondial, la nature du problème change. La commercialisation de ces biens au niveau du marché mondial peut apporter des revenus essentiels au développement de ces zones. Nous allons donc explorer la façon dont nous pourrions envisager leurs relations avec la mondialisation économique. En général, la mondialisation économique est dénoncée, car elle entraîne une uniformisation des modes de production et de consommation. Les répercussions de la mondialisation sur les modes de consommation et de production font régulièrement l’objet de déclarations des gouvernements, des organisations internationales et des grands groupes industriels. Ils cherchent des mécanismes permettant des consommations durables tout en évitant d’instaurer des barrières commerciales déguisées.
Si l’objectif de valoriser des produits et des services à forte identité locale est clair, les méthodes pour l’atteindre le sont moins. Les approches réglementaires peuvent être utilisées par les pays mais, souvent unilatérales, elles peuvent être mises en cause auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) si elles apparaissent comme des barrières commerciales déguisées. Beaucoup de mesures réglementaires ou financières d’accompagnement sont néanmoins possibles au niveau local sans qu’elles aient une influence directe sur le commerce international : occupation des sols, règlements d’urbanisme, normes de construction, infrastructures locales, etc.
De même, les taxes écologiques sur les ressources et les redevances sur l’usage des espaces naturels peuvent être un moyen de se rapprocher des coûts pour les ressources qui reflètent le coût véritable des biens et services, mais elles ne sont pas admises de la même façon dans tous les pays et pourraient induire des distorsions.
Le contrat territorial d’exploitation (CTE) qui se met en place en France vise à financer spécifiquement les activités des agriculteurs qui produisent des externalités positives (paysage, pollution…). C’est une voie intéressante, mais qui peut contribuer à renforcer une dualité néfaste. Dans ce modèle, les valeurs patrimoniales seraient garanties par l’État et le marché resterait régi par des critères purement quantitatifs. On peut penser qu’une combinaison des deux approches doit être mise en œuvre, à condition d’approcher le marché de façon stratégique. La modification des modes de production et de consommation demande en effet la sensibilisation et la responsabilisation des consommateurs et leur accès à l’information pour orienter leur consommation vers des biens produits de façon durable.
2.1. Un mécanisme d’étiquetage/labélisation développement durable
Pour préserver, renforcer et même produire les biens publics que sont les diversités sociales, culturelles et écologiques, il convient que le consommateur puisse valoriser ces caractéristiques lors de ses achats. Or, si le consommateur local, immergé dans ces caractéristiques, peut plus facilement comprendre les enjeux par la sensibilisation et l’éducation, ceci est plus difficile pour le consommateur distant qui achète le produit sur un marché standardisé et impersonnel. C’est donc un problème d’information. Si l’on utilise le seul canal du prix, il faut alors que le signal prix soit correct et donc qu’il intègre l’ensemble des effets externes sur l’environnement et le culturel. On a vu plus haut que cette voie n’était pas largement acceptée et elle pose, d’autre part, des problèmes d’évaluation. Un étiquetage pourrait permettre la valorisation économique des caractéristiques.
Dans le domaine du tourisme, les industriels peuvent sensibiliser leurs clients aux incidences éventuelles de leurs séjours sur l’environnement et les sociétés locales et informer les touristes des valeurs écologiques et culturelles des régions de destination, de façon à les inciter à adopter des comportements plus responsables. La nécessaire sensibilisation des consommateursà des modes de consommation durable peut s’appuyer sur des éléments comme l’intérêt des informations livrées (histoires…), sa responsabilité éthique, son implication personnelle et les expériences vécues… [[OCDE : L’enseignement et l’apprentissage pour une consommation durable. Direction de l’environnement de l’OCDE, Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement, Paris, 1999]]
L’information du consommateur doit aussi passer par un système d’étiquetage qui pourrait s’appuyer sur des démarches volontaires. » Il conviendrait de faire en sorte que les consommateurs puissent avoir accès à des informations fiables concernant l’impact sur l’environnement des produits et services en mettant au point des descriptifs de produits, demandant aux industriels d’établir des rapports écologiques, créant des centres d’information à l’intention des consommateurs, élaborant des programmes d’attribution de labels écologiques volontaires et clairs. » [[réf. note 8, §24, p. 5]] . Si ces mécanismes sont souvent proposés sur le plan environnemental, les aspects culturels sont en général négligés. Pourtant, on vient de le voir, ils sont essentiels.
L’information sur les produits peut aussi utiliser le réseau Internet. En effet, le réseau peut permettre à un consommateur d’avoir des informations très précises sur les modes de production. Des groupes de consommateurs pourraient se constituer au niveau mondial pour consommer des produits locaux en fonction de leurs affinités, images, histoires… et communiquer avec les producteurs. Cette interactivité pourrait raccourcir le circuit commercial et donc augmenter la valeur ajoutée à l’étape de la production.
2.2. Définir le concept de terroir
Nous pouvons nous référer au concept de terroir. Ce concept, largement utilisé dans la langue française, n’a pas d’équivalent dans d’autres langues [[On pourrait proposer au niveau international l’usage sans altération du terme français terroir.
Voir Les enjeux de l’information en langue française sur le développement durable, Christian Brodhag, université d’été francophone développement durable et systèmes d’information, Saint-Étienne, 5-9 juillet 1999, à www.agora21.org/univ-ete-fr/Christian-Brodhag.html]] .
Dans ce concept, les différents concepts liés sont : l’histoire d’une communauté locale, ses traditions qui se traduisent par ses savoir-faire et ses usages, et ses productions spécifiques, qui constituent des biens publics et produisent des aménités pour un large ensemble de parties concernées. Le terme de » produits du terroir » est un nom commun, nous proposons de lui donner un sens opérationnel qui se rapprocherait des mécanismes d’appellation d’origine contrôlée (AOC) qui couvrent des vins, des fromages et certains produits alimentaires [[www.agriculture.gouv.fr/alim/sign/appe/welcome.html]] .
2.3. Les choix des consommateurs
Les consommateurs, notamment de biens alimentaires, souhaitent une garantie de qualité gustative et sanitaire, de sécurité alimentaire, grâce à des mécanismes d’identification (étiquetage) et de traçabilité. L’image du produit et sa notoriété s’appuient sur des représentations symboliques très liées à des pratiques culturelles. La question est donc de permettre la rencontre entre le consommateur et le produit du terroir (fig.2, ci-après). Ce contact est intime au niveau d’un territoire : les pratiques alimentaires du consommateur et les productions du terroir sont en équilibre. En revanche dès que le consommateur s’éloigne, il n’est plus baigné dans cette culture et aux échanges informels d’informations. Il faut alors mettre en place un cadre de procédures et de mécanismes opérationnels et institutionnels, qui font apparaître deux champs nouveaux : le territoire considéré ici comme espace politique et institutionnel, et les produits et services régis par des mécanismes économiques, mais aussi sociaux et culturels.
La normalisation et la standardisation nécessaire pour passer au marché distant sont aussi un risque d’appauvrissement qui a été observé dans les mécanismes français de certification. » L’oralité permet, voire encourage, la variante, la créativité, dans certains cas l’innovation ; l’écriture impose la conformité et la fidélité, entraîne un certain appauvrissement en même temps qu’une forme de fixité. Le vaste mouvement de mise à plat des savoir-faire qui se développe aujourd’hui en France dans un but de caractérisation et de protection des productions n’ira pas sans la perte d’une forme de diversité, à la foi biologique et culturelle, pouvant le cas échéant conduire à une forme de désappropriation. » [[Laurence Bérard : La reconnaissance juridique des » productions de terroir » ; comment traiter le culturel ? Atelier Les représentations de la qualité à travers les dispositifs juridiques]]
Figure 2. Problématique territoire/produits
Par rapport à une standardisation mondiale, c’est sans doute un risque de deuxième ordre, mais la part des productions locales à inscrire dans une dynamique de marché distant (donc à passer de l’informel au formel, du domestique et de l’artisanal à l’industriel) est un choix de l’ensemble de la communauté. Une logique de développement durable implique donc que cette procédure s’inscrive dans une logique de projet de développement du territoire, c’est-à-dire de bonne gouvernance locale, de renforcement des capacités des parties intéressées, de procédures de négociations et d’évaluation du type Agenda 21 local. » Les dirigeants et le public ont une vaste perspective à long terme de la bonne gouvernance et du développement humain, ainsi qu’une idée de ce qui est nécessaire à un tel développement. Par ailleurs, ils comprennent dans toute leur complexité les données historiques, culturelles et sociales dans lesquelles s’inscrit cette perspective. Ces caractéristiques essentielles, qui sont interdépendantes, se renforcent mutuellement et ne peuvent exister indépendamment. » [[réf. note 10]] . Une ouverture trop grande au marché mondial pourrait conduire à une monoculture (agricole ou touristique) dommageable pour le développement local durable et mettre à terme en péril les conditions même de la durabilité comme on l’a défini au-dessus. C’est bien dans le cadre d’un projet de territoire que ces choix doivent être faits. C’est à ce niveau que les phénomènes d’éviction peuvent être prévenus.
Le renforcement des capacités s’adresse, au premier chef, aux filières produits qui devraient pouvoir gérer leurs spécificités et valoriser leurs caractéristiques par un label ou un étiquetage volontaire » produit du terroir « . Le cadre juridique et institutionnel peut conduire à différentes solutions – labels, marques, étiquetage… – selon que l’on fait jouer un rôle relatif différent aux pouvoirs publics et au secteur privé, mais les éléments de problématiques restent les mêmes. Dans le cas de marques, il convient que les pouvoirs publics protègent le consommateur de publicités mensongères.
Le dernier maillon de la chaîne est le consommateur. Euromontana [[La valorisation et la distribution des produits de qualité de montagne, synthèse et éléments principaux des discussions. Euromontana, séminaire, 3 et 4 septembre 1999, Saint-Etienne. Document de travail Olivier Beucherie (ISARA) – version 24 septembre 1999]] a identifié » deux modèles de » consommateurs » de la montagne : le modèle non-participatif et le modèle plus participatif. Le premier modèle correspond sûrement aux comportements touristiques d’hiver. Le modèle plus participatif est sans doute plus réceptif à la notion de patrimoine local d’une zone de montagne, et donc aux spécificités des produits alimentaires. » Mais le consommateur participatif doit être mis dans des conditions de participation.
La consommation de produits du terroir n’est pas sans risques, il faut correctement les évaluer. » La grande spécificité d’un certain nombre de produits, la plupart des temps inconnus des consommateurs extérieurs à leur région d’origine, exige une information précise quant aux modes de préparation, sous peine de ne pouvoir les ingérer. […] L’ignorance des pratiques et savoirs culinaires concernant les productions locales peut entraîner une déception prévisible de la part de l’acquéreur. […] Doit-on adapter le produit au consommateur ou conduire le consommateur vers le produit ? […], nous serions tentés d’insister sur l’intérêt qu’il y a à initier le consommateur au produit, à ce qui en fait son originalité, à la façon dont il faut le préparer pour apprendre à le connaître tel qu’il est. » [[Laurence Bérard et Philippe Marchenay : Patrimoine et modernité : les produits de terroir sous les feux de la rampe, anthropologie des choix alimentaires. Journal des anthropologues, 74, 1998, AFA]]
En conclusion
Si l’on veut permettre au consommateur de consommer des produits et des services du terroir, il faut donc mettre en place des mécanismes permettant d’identifier les caractéristiques et établir des synergies entre l’action des collectivités territoriales qui ont en charge le développement local et les filières économiques de production et de distribution.
Mais agir sur l’offre ne suffit pas, il faut aussi promouvoir la demande en valorisant aux yeux des consommateurs des modes de consommation et de style de vie plus enrichissante sur le plan du développement personnel. En consommant de la diversité, on accroît son identité personnelle. En favorisant le développement humain, cette diversité est une composante essentielle du développement durable. Il faut donc donner les moyens au consommateur de pouvoir orienter ses modes de consommation dans ce sens.
La nécessité d’informer et de former le consommateur est une condition de l’évolution conjointe des modes de productions et de consommation. Mais il faut parallèlement redonner tout son sens culturel et symbolique à l’alimentation.
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Encadré 1. Bien public local
Cette dualité de la culture humaine, qui serait un bien public mondial, et des cultures diversifiées, qui seraient des biens publics locaux et communautaires, mérite d’être approfondie.
Les biens publics traditionnels sont caractérisés, par opposition aux biens privés, comme ayant trois qualités : ils sont l’objet d’une production publique, leur consommation est non exclusive, car elle n’est interdite à personne, et enfin ils sont sans rivalité, car ils peuvent souvent être consommés sans risque de se raréfier. Si la culture elle-même peut être considérée comme un bien public pur, les biens dont il est question ici sont des biens publics impurs, car ils n’ont pas totalement ces caractéristiques. Ils sont souvent produits de façon privée, si les méthodes, techniques ne sont pas exclusives et sans rivalité, la surconsommation de certains de ces biens peut les épuiser ou les dénaturer. La réflexion ouverte par le PNUD* sur les biens publics mondiaux doit donc être prolongée au niveau local.
* Les biens publics à l’échelle mondiale, la coopération internationale au XXIe siècle, dirigé par Inge Kaul, Isabelle Grunberg, Marc A. Stern, publié pour le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), New-York Oxford, Oxford University Press, 1999.
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Encadré 2. Barbizon
L’exemple du village de Barbizon, est particulièrement représentatif d’un développement local fondé sur des valeurs culturelles liées à la nature. Ce village de 1 200 habitants, situé à 60 km de Paris dont la Grande Rue débouche sur la forêt de Fontainebleau ne possède aucun monument historique, château ou autre patrimoine architectural d’importance. Il a accueilli, il y a environ 150 ans, une dizaine de peintres. Et c’est sur cet épisode que s’est fondée son identité, qui a abouti à ce que ce village devienne un site classé. Vers 1850, les peintres, Millet, Théodore Rousseau, Diaz, et quelques autres, en réaction contre le classicisme viennent s’installer à l’auberge Ganne (transformée à présent en musée) afin de peindre de façon réaliste la nature et les paysans. C’est le pré-impressionnisme, que l’on appellera plus tard l’école de Barbizon. L’endroit attire alors aussi les poètes, écrivains et autres artistes qui y font de courts séjours. Après 1940, les Parisiens viendront y passer le week-end.
À présent, Barbizon possède une dizaine de galeries de peinture, des antiquaires, des hôtels, des restaurants et même une discothèque à la lisière de la forêt. Les résidences secondaires se sont transformées en résidences principales. Les maraîchers des alentours continuent de cultiver des légumes, des salades mais aussi des fleurs coupées. Grâce au système de rotation des cultures, les champs changent de couleur selon les saisons : blé, tournesol, luzerne, chou, etc.
Ce lieu de loisir culturel de proximité pour la région parisienne permet des consommations liées : promenade en forêt, à pied ou en vélo, mais aussi la culture avec la » route de tous les arts » qui couvre une quarantaine de kilomètres autour de Fontainebleau.
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Encadré 3. Une définition du terroir
Définition de la Commission française du développement durable :
Un terroir est une entité territoriale dont les valeurs patrimoniales sont les fruits de relations complexes et de longue durée entre des caractéristiques culturelles, sociales, écologiques et économiques. A l’opposé des espaces naturels où l’influence humaine est faible, les terroirs dépendent d’une relation particulière entre les sociétés humaines et leur habitat naturel qui a façonné le paysage. Considérés d’un point de vue mondial, ils préservent la biodiversité, les diversités sociales et culturelles, en conformité avec les objectifs de développement durable.
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Encadré 4. L’appellation d’origine contrôlée
Créé en 1935