Communiqué pour la sortie du rapport « Climate change, energy and sustainable development : How to tame King Coal ? »

Le Délégué interministériel au développement durable a mis en place un groupe de travail sur le charbon qui a établi, pendant le deuxième semestre de 2005, un processus de travail avec des entreprises françaises, des consultants, des administrations, des organisations de recherches et avec des entités et des ONG internationales. Il vient de publier, d’abord dans sa version anglaise, un document stratégique intitulé Climate change, energy and sustainable development : How to tame King Coal ?. Ce papier constitue une vue française du sujet « charbon ». Ce n’est pas une vue unique, mais un apport au débat.

Ce nouveau rapport montre toute l’importance et le renouveau que présente cette filière énergétique qui connaît à la fois des hausses de prix plus modérées que ceux du pétrole et du gaz et qui est basée sur les réserves d’énergie fossile les plus vastes. Il faut alors résoudre la quadrature du cercle énergie / climat / charbon. Le rapport propose quelques simulations simples examinant l’impact de l’usage du charbon, sachant que l’on peut déployer des centrales à charbon avec des rendements plus ou moins performants et qui sont couplées ou non avec des technologies nouvelles de captation et de stockage du CO2. Pour le Délégué Interministériel au Développement Durable : « La principale conclusion est que le recours au charbon ne pourra donc être compatible avec la maîtrise de l’effet de serre que si un saut technologique majeur est accompli pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, avec notamment des « centrales à charbon vraiment propre », c’est-à-dire avec des systèmes de captation et de stockage du CO2. L’usage à moyen terme du charbon doit être conditionné à la séquestration du CO2. L’Europe doit en conséquence, avec les autres grands pays du monde concernés, faire l’effort nécessaire de recherche en la matière et examiner les dispositifs permettant de rendre les centrales à charbon propre efficaces. Maîtriser les impacts environnementaux reste un défi à peine entamé. Généraliser l’usage du charbon avec peu ou aucune émission de CO2 ne dépend pas seulement de la mise au point de technologies. Il faudra aussi un cadre réglementaire mondial pour l’imposer aux opérateurs, compte tenu des surcoûts induits. Ce travail décline donc à la fois l’Allocution de Jacques Chirac, Président de la République, à l’occasion des vœux aux forces vives, au Palais de l’Elysée, ainsi que le mémorandum de la France pour une relance de la politique énergétique européenne dans une perspective de développement durable, diffusé le 24 janvier 2006. »

La place critique du charbon dans la problématique sur l’énergie et le climat

Les réserves mondiales de charbon sont très abondantes et mieux réparties à travers le monde que les autres sources fossiles. Le charbon demeure une énergie importante et en pleine expansion, qui concerne essentiellement la production d’électricité.

– Les réserves de charbon constituent 63,7 % des réserves fossiles totales, contre 18,2 % pour le pétrole et 18,1 % pour le gaz.
– Les réserves des Etats-Unis représentent 27 %, celles de la Russie, 17 %, de la Chine, 13 %, de l’Inde, 10 %, de l’Australie, 9 %, l’Afrique du Sud, 5 %.
– La part relative du charbon compte dans l’offre d’énergie primaire mondiale compte pour 24,4 %, dans la production mondiale d’électricité pour 40 % et dans la production d’acier pour 70 %.
– Selon les scénarios « business as usual » de l’Agence Internationale de l’Energie, la production mondiale devrait augmenter de 50% entre 2000 et 2030. Cette augmentation équivaut à l’actuelle production de la Chine, du Canada et des Etats Unis réunis. Seule l’Europe verra un déclin de sa production.
90% de l’augmentation de la consommation de charbon est due actuellement et sera due à la production d’électricité.
– L’accroissement de la consommation de charbon aura lieu essentiellement dans les pays en développement, avec notamment la Chine et l’Inde.
– Le charbon peut trouver de nouveaux usages dans le cadre de sa gazéification pour produire des carburants de synthèse, ce qui accentuerait son usage.

La hausse récente des prix du gaz, a fait revenir en force l’usage de charbon pour la production d’électricité. C’est le cas notamment en Allemagne et au Royaume-Uni. Ce renforcement de l’usage du charbon explique d’ailleurs en partie la hausse du prix des certificats de CO2 lors de l’année 2005 (passage de 8 à 20 €/tCO2). Un article du 16 janvier 2006 dans le Financial Times indique que les constructeurs ont pour la première fois depuis près de vingt ans plus de commande pour des centrales à charbon qu’au gaz naturel. Sur les derniers 120 GW de centrales commandés, de 20 à 30 % concernent du gaz et de 30 à 40 % du charbon. A l’inverse sur la période 1997 à 2001, le gaz représentait de 60 à 70 % et le charbon de 20 à 30 %. Il est précisé que l’incertain planant sur l’approvisionnement venant de la Russie ne fait qu’accentuer cette situation. Par ailleurs, la moitié des commandes dans les 10 prochaines années, qui atteindra un total de 50 milliards de dollars par an, proviendra de pays asiatiques n’ayant qu’un accès difficile aux ressources en gaz naturel.
Le charbon est le plus fort émetteur de CO2 à quantité d’énergie donnée

– Alors que la part du pétrole dans l’offre d’énergie primaire mondiale est de 34,4 %, contre 24,4 % pour le charbon, sa part dans les émissions CO2 est presque identique à celle du pétrole (40,8 pour le pétrole contre 38,4 % pour le charbon). Le gaz naturel qui compte 21,2 % de l’offre d’énergie primaire mondiale, ne compte que pour 20,4 % des émissions de CO2.
– Vue la taille des réserves, le pic de production du charbon n’aura pas lieu avant 2050. Ce n’est donc pas la rareté relative des ressources en charbon qui pourra ralentir l’usage de cette énergie

Face à la tension mondiale entre l’offre et la demande de pétrole, l’usage accru du charbon (voire la fabrication de carburants liquides à partir de charbon) pourrait se révéler une stratégie encore plus intéressante pour les pays qui en détiennent des stocks importants (Etats-Unis, Chine), qui sont aussi de grands importateurs de pétrole. Or une telle stratégie, sans modification technologique et réglementaire, serait très dommageable à la lutte contre le changement climatique.

Une nouvelle technologie apparaît : la Captation et le stockage du CO2

Les technologies de captation et de stockage du CO2 permettent de diminuer de 80 à 90 % les émissions de CO2 liées à la production d‘électricité avec du gaz naturel ou du charbon.

– Des équipes françaises travaillent sur la captation et le stockage du gaz carbonique depuis plus de 10 ans, souvent dans le cadre de programmes internationaux. Elles concernent aussi bien des acteurs publics comme l’IFP, l’ADEME le BRGM, Gaz de France, AREVA que des acteurs privés comme ALSTOM, TOTAL, Air liquide, les ingénieries.
– Les efforts publics de recherche et d’innovation sont très importants. Ils permettent d’amplifier l’effort public et privé en faveur de ces technologies.
– L’Agence Nationale de la Recherche a lancé pendant l’été 2005 un appel à projets sur ce sujet. Les réponses sont en cours d’évaluation. De l’ordre de 10 millions d’euros de subventions devraient être prochainement accordées pour ce premier appel à projets. Il est clair que ce n’est qu’un premier pas.
– La captation et le stockage du gaz carbonique sont également des priorités de l’Agence pour l’Innovation Industrielle
– Sur cette base, et avec le soutien de tous les centres et agences publics en charge de R&D, le gouvernement souhaite que le démarrage, sur le sol français, d’une installation expérimentale de captation et d’injection du CO2.
– Les travaux français s’intègrent dans des partenariats européens et internationaux, entre Etats, bien sûr, mais aussi entre acteurs publics et privés.
– La France participe activement aux projets européens de recherche de capture et séquestration du carbone dans le cadre du 6ème PCRD, notamment aux projets CASTOR, (projet pilote d’usine avec capture post combustion, dont le lancement est prévu en mars 2006), et INCA-CO2. Enfin, elle participe activement à la coopération internationale dans ce domaine, notamment au Carbon Sequestration Leadership Forum (CSLF), et aux travaux de l’AIE pour la définition d’une stratégie ZET (Zero Emission Technologies) dans le cadre du Groupe de travail sur les Energies Fossiles (WPFF).
– La France soutient la proposition de la Commission de renforcer dans le 7ème PCRD l’effort de recherche pour le captage et le stockage géologique du carbone et pour les technologies « charbon propre » et se réjouit de la création d’une plate-forme technologique « zéro émission pour la production d’électricité ».
– L’usage de ces technologies à très grande échelle nécessite que soit développée au préalable une réglementation relative au choix, à l’usage et à la surveillance des sites de stockages. Cette réglementation devra être rigoureuse et précise. Le gouvernement y travaille. Il veille à l’information et à la consultation du public, avec pédagogie et transparence.
– Des efforts encore important doivent être réalisés sur les impacts environnementaux de ces technologies.

Résoudre la quadrature du cercle énergie / climat / charbon

Le rapport propose quelques simulations simples examinant l’impact de l’usage du charbon, sachant que l’on peut déployer des centrales à charbon avec des rendements plus ou moins performants et qui sont couplées ou non des technologies de captation et de stockage du CO2.

Notre principal conclusion est que le recours au charbon ne pourra donc être compatible avec la maîtrise de l’effet de serre que si un saut technologique majeur est accompli pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, avec notamment des « centrales à charbon vraiment propre », c’est-à-dire avec des systèmes de captation et de stockage du CO2. L’Europe doit en conséquence, avec les autres grands pays du monde concernés, faire l’effort nécessaire de recherche en la matière et examiner les dispositifs permettant de rendre les centrales à charbon propre compétitif.

Généraliser l’usage du charbon avec peu ou aucune émission de CO2 ne dépend pas seulement de la mise au point de technologies. Il faudra aussi un cadre réglementaire mondial pour l’imposer aux opérateurs, compte tenu des surcoûts induits.

Cette étude a permis d’établir l’état de l’art de la technologie sur un thème en mutation rapide. La séquestration du carbone n’est pas la solution miracle qui permettra l’exploitation de centrales à charbon sans rejet de gaz à effet de serre, une sorte d’oreiller de paresse technologique qui dispenserait de progresser dans le management de la demande, l’efficacité énergétique et le développement d’un mix d’énergie . Il faut en effet resituer cette technologie dans un système énergétique nouveau à basse teneur en carbone, dans la combinaison de sources d’énergie incluant la biomasse. Ce n’est pas l’unique solution mais elle apportera une contribution significative. Même un pays non charbonnier comme la France a un rôle à y jouer.

Ce « Vision Paper » permet à la France d’exprimer un point de vue sur le charbon dans le débat mondial

Le sujet énergie / climat est très présent dans le débat international, notamment :

– Présentation par la Commission européenne d’ici le printemps 2006 d’un nouveau Livre vert « pour une politique de l’énergie sûre durable et compétitive »
– Réunion du Forum international de l’énergie (FIE), à Doha, en avril 2006, qui réunira pour la 10ème fois les quelque 70 ministres de l’énergie des pays producteurs et consommateurs d’énergie ;
– Lors du sommet de Gleneagles, en juillet 2005, les chefs d’Etat et de Gouvernement des pays du G8 et le président de la Commission européenne ont adopté un important « plan d’action sur le changement climatique, l’énergie propre et le développement durable », recensant 38 engagements et orientations, concernant essentiellement la façon dont l’énergie est produite et consommée dans le monde, qui constituent autant de pistes d’action pour relever les défis qui sont devant nous. Les représentants de cinq grands pays émergents – la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et le Mexique – ont pu faire valoir leur approche à Gleneagles, en appelant à un nouveau paradigme pour la coopération internationale tenant compte de la nouvelle donne pour le développement qui résulte du changement climatique et d’un contexte énergétique mondial plus tendu.
– Le « dialogue du processus énergie-climat de Gleneagles » a été lancé à Londres le 1er novembre 2005 lors d’une réunion conjointe des ministres en charge de l’environnement et de l’énergie d’une vingtaine de pays, provenant des cinq continents. En comptant les 25 Etats-membres de l’UE, les quelque 35 pays participant à ce dialogue – dont les Etats-Unis, la Russie, la Chine et l’Inde – représentent l’essentiel de la consommation mondiale d’énergie, d’aujourd’hui et de demain, de même que plus de 80 % des émissions de gaz à effet de serre. La réussite de ce dialogue, et des résultats concrets, à travers la mise en œuvre des engagements du plan d’action, contribueront aux conditions favorables nécessaire pour l’avancement du régime multilatéral sur le climat au sein de la Convention climat et de son protocole d’application (dit de Kyoto).
– Dans la continuité de ce processus, la décision de la Fédération de la Russie de faire de la sécurité énergétique une des priorités de sa présidence du G8 en 2006 offre également une opportunité supplémentaire pour permettre à la communauté internationale d’avancer sur le chemin d’un avenir énergétique plus maîtrisé et plus durable.
– Réunion des ministres de l’énergie du G8, à Moscou en mars 2006, dans le cadre de la présidence russe du G8 sur le thème de la « sécurité énergétique mondiale »
également à l’ordre du jour du sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement de Saint-Pétersbourg en juillet 2006 ;
– Lors du sommet de Gleneagles, a été également décidé de renforcer le rôle de la Banque mondiale en lui demandant, à la fois, de faciliter le dialogue entre pays développés et pays en développement, mais aussi de créer un cadre plus favorable pour la mise en place, partout dans le monde, de systèmes énergétiques plus durables. Ceci à travers une politique d’incitation aux investissements adéquats, des lignes directrices promouvant l’adoption de projets générant moins de carbone
– Réunion de la Commission des Nations unies pour le développement durable, à New York en mai 2006, qui a prévu de consacrer ses travaux à la problématique de l’énergie et de l’industrie dans une perspective de développement durable.
– Dans le cadre de la convention climat et du protocole de Kyoto, COP12/MOP2 à Nairobi, en novembre 2006

Ce papier permettra de faire connaître la vision française sur la question du charbon.

– Pendant le deuxième semestre de 2005, nous avons établi un processus de travail avec des entreprises françaises, des consultants, des administrations, des organisations de recherches et avec des entités et des ONG internationales. Par conséquent ce papier constitue une vue française d’un sujet globale. Cela ne doit pas être vu comme une vue unique, mais comme un apport au débat. Conformément à nos procédures, la responsabilité du papier demeure celle du groupe de travail sur le charbon.
C’est pour cela que la première édition est en anglais. Bien-sûr une édition en français est en cours.

Ce papier est cohérent avec l’Allocution de Jacques CHIRAC, Président de la République, à l’occasion des vœux aux forces vives, au Palais de l’Elysée, le jeudi 5 janvier 2006 :

« La seconde de nos priorités industrielles, c’est l’énergie. Le climat et l’après pétrole, sont les défis du siècle qui s’ouvrent. Nous devrons diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050, c’est inéluctable. Nous devrons apprendre à nous passer progressivement de pétrole. Dans ce domaine, la France a l’ambition d’être une référence mondiale, car avec ses entreprises, avec ses infrastructures, avec ses recherches, elle dispose d’atouts majeurs. […] Et avec la loi d’orientation sur l’énergie de juillet dernier, nos grands choix énergétiques sont clairs. Nous devons maintenant en accélérer la mise en œuvre, afin de préparer l’avenir. […] Nous engagerons des recherches sur des processus avancés de production de biocarburant, sur l’utilisation de l’hydrogène et sur les piles à combustible. Il faut aussi développer, dans les dix ans, la voiture électrique à grande autonomie et le diesel hybride. Il faut également mettre au point les centrales à charbon propre. Je souhaite que l’Agence de l’innovation industrielle contribue, dès cette année, au lancement de ces projets. Et par ailleurs, la RATP et la SNCF ne devront plus consommer une goutte de pétrole d’ici 20 ans. […] Les enjeux de notre politique énergétique dépassent évidemment le cadre national. C’est au niveau européen qu’il nous faut bâtir une politique énergétique ambitieuse. Elle ne saurait se résumer à l’ouverture des marchés à la concurrence. Lors du prochain Conseil européen, la France présentera un mémorandum sur la politique énergétique. »

Nota

L’importance croissante des enjeux liés au développement durable dans les politiques publiques, que consacre la loi constitutionnelle relative à la Charte de l’environnement, rend souhaitable un renforcement des actions de l’ensemble des services de l’État et leur coordination. C’est pourquoi a été institué, auprès du Premier ministre, un délégué interministériel au développement durable. Le délégué interministériel a pour missions principales d’animer et coordonner l’action de l’ensemble des administrations de l’Etat en faveur du développement durable et de contribuer à la coordination de l’action des établissements publics de l’État dans ce domaine. Pour l’exercice de ces missions, le délégué interministériel au développement durable dispose de services du ministère chargé du développement durable et fait appel en tant que de besoin aux services des autres départements ministériels.

Source : http://www.ecologie.gouv.fr/Communique-du-Delegue.html