Les polémiques politiques sur le Coronavirus, sont souvent malsaines car elles jugent des décisions passées avec les connaissances actuelles. Les autorités ont pris des décisions en fonction des connaissances du moment et des moyens matériels disponibles. On peut prôner la généralisation des masques mais si on n’en dispose pas, le principe de réalité doit s’imposer. Quand c’est ceux qui ont pris la décision de réduire les stocks qui critiquent c’est de la malhonnêteté intellectuelle.
C’est aussi vrai pour les experts. Dans domaine économique une étude rigoureuse menée, il y a 10 ans déjà, par Philip Tetlock sur les prédictions économiques et géopolitiques, a montré que les prévisions des experts sont en général fausses. Le niveau d’études ou l’expérience des experts n’ont pas d’impact sur la justesse de leurs prédictions. C’est en fait leur exposition médiatique qui a le plus d’influence sur la qualité de leurs prédictions. Plus un expert est médiatique, plus il joue les gourous, moins ses analyses sont fiables. (voir mon article du Monde : Négationnisme ou hégémonisme économique )
Une analyse de ce type devra être menée pour l’expertise médicale sur le corona virus. A chaud on peut s’interroger sur le professeur Didier Raoult. La fièvre médiatique, et certains (ir)responsables politiques, s’emparent des propos de celui qui est présenté comme un sommité mondiale qui détient la vérité et la solution miracle.
Remontons à la fin du mois de janvier, pour voir que ce qu’il déclarait.
« De mon point de vue, le risque le plus important est la panique », « Et donc on est en train de parler d’une population de 60 millions d’habitants qui a été mise en quarantaine pour 50 ou 80 morts. Tout cela est disproportionné. Globalement, et pour les semaines à venir, je peux vous dire, parce que l’on mesure le nombre de morts qui sont dus à la grippe ou autres coronavirus, qu’il y a plus de chances de mourir de virus qui sont là depuis longtemps que de mourir du coronavirus chinois. » Dans une vidéo postée sur YouTube et largement relayée, le Pr Didier Raoult, trouvait « délirante » la médiatisation du virus chinois en Europe.
On voit la crédibilité que l’on peut accorder à sa parole. Mais ce n’est pas parce qu’il s’est trompé en janvier, qu’il a tort en mars. Il faut soumettre sa proposition à un protocole scientifique. C’est ce qui a été décidé. Mais cette décision a été largement critiquée dans les médias. La propension des médias à préférer les gourous contestataires aux scientifiques rigoureux est un des principaux biais cognitif de notre époque. Les médias sociaux viennent aggraver ce phénomène.