Je tiens au développement durable d’une part et je me raccroche aujourd’hui au concept de science de la durabilité.
Le développement durable tout d’abord.
Le développement durable n’est pas un concept fermé mais une scène de négociation voire de conflit idéologique. Il a été conforté par la Conférence Rio 2012 comme orientation directrice de l’ensemble des Nations-Unies et du programme de développement 2015-2030 et les 17 Objectifs de Développement Durable.
Je suis d’accord avec ceux qui pensent que la traduction de sustainable development par développement soutenable aurait sans doute été meilleure que développement durable. Quand Corine Lepage m’a proposé en 1995 de prendre la présidence de la Commission Française du Développement Durable cela a été ma première réaction : pourrons nous changer durable en soutenable ? Elle m’a répondu que tout était possible, si la commission le jugeait nécessaire.
Je me suis rapidement rendu compte qu’ouvrir une guerre picrocholine n’avait aucun intérêt à l’échelle internationale, voire était contre performant. Ceux qui se retirent sur leur Aventin en se déclarant pour le développement soutenable contre le développement durable, désertent le champ de bataille. Ne laissons pas le champ libre à ceux qui tous les jours vident le développement durable de son sens.
La science de la durabilité
J’achève ma carrière scientifique, dans laquelle avec les doctorants que j’ai encadrés, je pense avoir contribué à nourrir conceptuellement le développement durable. Mais j’étais obligé de leur annoncer en préambule que je les mènerai à une thèse, pluridisciplinaire et appliquée, intéressante pour un engagement professionnel dans le développent durable mais qu’elle serait un handicap pour une carrière académique. Le rattachement doctoral de l’Ecole des Mines aux sciences de l’ingénieur me laissait des latitudes pour ce faire, mais avec de sérieuses limites.
Une anecdote, j’ai présidé de 2001 à 2005 la commission de normalisation de l’AFNOR : entreprise et développement durable. Ce travail de normalisation et l’expérimentation des outils de sa mise en œuvre ont été développés grâce à la thèse de Karen Delchet. Cela a été une première pour l’AFNOR d’accueillir une doctorante grâce à une bourse CIFRE. Ces travaux ont inspirés par la suite la norme ISO26000, à laquelle j’ai eu le privilège de participer comme représentant gouvernemental, devenu entretemps Délégué interministériel au Développement Durable. Quelques années après, lors de l’audit de l’Ecole des Mines de Saint-Etienne par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AÉRES), il m’a été demandé de cacher le lien avec l’AFNOR et l’ISO car cela ‘dévalorisait le niveau scientifique’ du dossier de l’Ecole.
En France le découpage disciplinaire et les politiques d’évaluation des chercheurs sanctionnent la pluridisciplinarité et la recherche appliquée sur le terrain. Même si le contraire est affirmé.
En revanche, une science s’arroge de droit d’aborder tous les sujets : la science économique, elle occupe le terrain dans les médias. Il suffit de signer économiste pour voir les tribunes s’ouvrir. Les économistes sont conviés à donner leur avis les politiques. Certains d’entre eux font preuve de scientisme, voir ma tribune « Négationnisme ou hégémonisme économique » Le Monde Economie, 21.09.2016.
Il est donc nécessaire de développer une véritable science de la durabilité.
L’UNESCO a défini cette science de la durabilité comme « les activités d’enseignement et de recherche qui génèrent des connaissances et des technologies nouvelles, de l’innovation et une compréhension globale permettant aux sociétés de mieux relever les défis de la durabilité aux niveaux mondial et local, la science de la durabilité est une discipline ou une activité interdisciplinaire ou transdisciplinaire. Elle peut être axée sur la production de connaissances fondamentales, sur les applications technologiques ou sur l’innovation socioculturelle, ainsi que sur de nouvelles formes de gouvernance ou de nouveaux modèles sociaux et économiques. » UNESCO 2017.
Je me revendique de cette science, et logiquement je signe par le néologisme de ‘durabiliste’.