Information et connaissances pour le développement durable

L’information et les connaissances sont des éléments clés pour le développement durable. Le présent article rappelle des initiatives prises dans l’espace francophone depuis la conférence de Rio en 1992, et comment la révolution de l’Internet ouvre de nouvelles solutions pour le développement durable et différents projets engagés dans l’espace francophone.

Introduction

L’Agenda 21 de Rio consacre son 40ème et dernier chapitre à l’information pour la prise de décisions : « Dans le cadre du développement durable, chacun est un utilisateur et un fournisseur d’informations, au sens large. Il faut entendre par là des données, des renseignements, des expériences présentées de façon appropriée et des connaissances. Le besoin d’informations se fait sentir à tous les niveaux, du niveau national et international chez les principaux décideurs au niveau local et à celui de l’individu. » (CNUED, 1992, p. §40.1 ). L’Internet society est née en 1992 la même année que la conférence Rio et le premier navigateur sur la « toile » date de 1993. Pas étonnant que l’Agenda 21 n’intègre pas Internet.

En 20 ans les technologies de l’information et de la communication ont révolutionné la situation, l’évolution technologique a rendu possible ce qui n’était en 1992 que des conjectures. On est passé d’une période de pénurie d’information à une profusion qui porte de nouveaux enjeux de crédibilité, de fiabilité, de traçabilité…. Chacun peut être aujourd’hui de façon concrète et simultanée un fournisseur et un utilisateur d’informations. Les données satellitaires sont d’une utilisation largement répandue, certaines accessibles librement avec des applications qui donnent accès largement à la géolocalisation. Les réseaux sociaux permettent la constitution de communautés d’échange et de travail. Tous ces changements permettent de poser dans des termes nouveaux l’accès à l’information.

Pourtant la question de l’information n’a pas été réellement considérée dans le processus préparatoire de Rio. Seule a été envisagée « la création d’une plateforme internationale de partage des connaissances pour faciliter la conception et la mise en œuvre par les pays de politiques d’économie verte » (United Nations, 2012). Au-delà de la demande que cette plateforme soit multilingue et pas seulement en langue anglaise, la Francophonie (IEPF et DFN) envisage de proposer une nouvelle initiative de partenariat sur l’information et le développement durable qui prolonge et élargit un partenariat sur l’information lancé à Johannesburg.

Historique des approches francophones de l’information

Pour les acteurs francophones concernés par le champ du développement durable, la première question a été l’accès de l’information en français. Agora21.org le site lancé par l’Ecole des Mines de Saint-Etienne donnait dès 1998 accès aux principaux textes internationaux en français. Ces textes, qui étaient traduits par les Nations Unies, n’étaient pas disponibles sur l’Internet, les sites de Nations Unies étant uniquement en anglais. Il fallait se livrer alors fouiner sur les systèmes d’information des Nations Unies pour trouver les textes et les rendre accessible.

La seconde étape a visé à renforcer la capacité de la communauté francophone du développement durable dans le domaine de l’information, notamment à mettre en ligne des informations. Deux journées d’été sur l’information ont été organisées à Saint-Etienne en 1999 et 2000 et ont permis de constituer un premier réseau de compétence qui a porté le projet mediaterre.org lancé à Johannesburg en 2002. Un partenariat pour le développement durable a créé une communauté de veilleurs et de modérateurs repartis dans chacune des régions pour identifier les informations pertinentes.

Mais les applications du web, le web 2, apportaient un cortège d’innovation, notamment les réseaux sociaux, et leur capacité de constituer et de faire fonctionner des communautés d’intérêt. C’est pourquoi le système d’information Agora 21 a intégré en 2008 les différentes innovations du web 2. Cette plateforme a été utilisée dans le processus préparatoire de Rio, et notamment l’organisation du Forum de Lyon.

Evolution des technologies de l’information et développement durable.

Il y a une hiérarchisation entre les données, les informations, les connaissances et ce que (Bellinger, Castro, & Mills) appellent la sagesse et qui relève de la dimension culturelle. Mais cette hiérarchisation se situe dans une double échelle cognitive liée à la compréhension et relationnelle liée à la connectivité c’est-à-dire collective : les savoirs sont produits collectivement.

Figure : Les différents niveaux de compréhension. Inspiré de (Bellinger, Castro, & Mills)

Le passage de chaque niveau nécessite une transformation et une traduction, mais il y a aussi une rétroaction, un apprentissage. Les connaissances acquises permettent par exemple d’acquérir ou de comprendre de nouvelles informations.

Mais toutes les connaissances ne sont pas explicites, formalisées par des mots, des nombres, des données, des formules scientifiques, beaucoup d’entre elles sont informelles et implicites. Ce sont des connaissances tacites, hautement personnelles et difficiles à formaliser, rendant difficile la communication et le partage avec d’autres hors des échanges directs qui permettent l’apprentissage par imitation, le développement de solutions intuitives des problèmes. Ces connaissances ne peuvent pas être transmises par les systèmes d’information comme Internet (Brodhag, 2011).

Identifier et qualifier des bonnes pratiques ne suffit pas à ce qu’elles se diffusent spontanément. Ce n’est pas exclusivement du fait de sa performance technique qu’une solution s’impose, mais aussi et surtout sa capacité à tisser un réseau d’alliés. Cette approche développée par la sociologie de l’innovation (ou théorie de l’acteur réseau) considère de façon concrète les mécanismes d’enrôlement qui permettent de créer ce réseau d’alliance (Akrich, Callon, & Latour, 1988). Des chaînes de traductions permettent des transformations successives de l’innovation et la mobilisation progressive d’acteurs individuels ou collectifs autour de cette innovation.

Il faut donc envisager l’ensemble des processus de connaissance, d’apprentissage collectif et individuel, et dans lesquels l’Internet n’est qu’un des éléments. La capitalisation des expériences, la recherche et la formation telles qu’envisagées à travers les Pôles intégré d’excellence (Brodhag, 2011) (Benessahraoui, 2012), pourrait utiliser les différentes possibilités du web 2. Des communautés réelles et présentielles peuvent utilement utiliser dans leur fonctionnement les technologies de l’information, pour véhiculer des informations sur l’organisation de leurs travaux, les comptes rendus de réunions… Les téléconférences, les échanges en vidéo, les classes virtuelles… peuvent prolonger à distance des échanges présentiels.

L’architecture des systèmes d’information et des réseaux pour le développement durable, devrait s’appuyer sur une véritable ontologie .

Un projet de partenariat

En cohérence avec la Stratégie de la Francophonie numérique qui promeut une société de l’information inclusive, ouverte, transparente et démocratique, un nouveau partenariat est envisagé sur l’information pour la gouvernance et l’innovation pour le développement durable.

Il pourrait porter la réflexion générale et la mobilisation de moyens sur l’information pour le développement durable, et développer des projets comme par exemple :

Un projet terminologique, est envisagé pour identifier les concepts clés dans chaque spécialité, identifier les liens (convergences et tension) pour faciliter la compréhension. Il pourra conduire à un dictionnaire.

Des bases de données de bonnes pratiques devraient pouvoir être intégrées dans des systèmes permettant de déployer des réseaux d’innovation et les communautés « alliées ». C’est l’architecture proposée pour Agora 21, déjà déployée au niveau européen pour la construction durable (construction21.eu) et qui pourrait l’être pour différentes partenariats envisagés dans l’espace francophone.

Enfin le projet de Pôle intégré d’excellence (PIE), envisagé de façon expérimentale sur l’énergie dans l’Afrique de l’Ouest, vise à produire et diffuser des connaissances sur la base de projet. Ces PIE pourraient être les nœuds d’un réseau de production et de diffusion de connaissance.

Bibliographie

Akrich, M., Callon, M., & Latour, B. (1988). A quoi tient le succès des innovations ? 1 : L’art de l’intéressement. Annales des Mines, Gérer et comprendre.(11), pp. 4-17.

Bellinger, G., Castro, D., & Mills, A. (s.d.). Data, Information, Knowledge, and Wisdom, Informations collective. Consulté le 04 23, 2012, sur Systems Thinking: http://www.systems-thinking.org/dikw/dikw.htm

Benessahraoui, H. (2012, juin). Vers des pôles intégrés francophones pour le développement durable. Liaison, Energie-Francophonie(n° spécial Rio + 20).

Brodhag, C. (2011, 1er trimestre). Connaissances, réseaux et développement durable. (I. d. (IEPF), Éd.) Liaison Energie Francophone (87), 64-72.

CNUED. (1992). Agenda 21. Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement, 3-14 juin 1992, A/CONF.151/26 (Vol. III). Rio de Janeiro.

United Nations. (2012). The future we want, Submitted by the co-Chairs, January 10, 2012. New York: United Nations.