INGUL, Cahiers n°13
80% des Français sont déjà des urbains, et en 2015, certains experts considèrent que les deux tiers des êtres humains vivront en ville et que les mégalopoles se multiplieront dans les pays du sud. Pourtant rien ne permet de tenir pour certain l’extrapolation des tendances actuelles. Les nouvelles technologies de communication, de nouvelles formes de travail ou d’organisation des réseaux pourront infléchir ces tendances. De même une crise majeure de la ville due par exemple aux fractures sociales ou à des crises écologiques (pollution atmosphérique, eau…) pourraient introduire des ruptures. Qu’adviendrait-il du fonctionnement de nos agglomérations peu denses et étendues si, pour lutter contre les menaces du changement climatique ou la raréfaction des ressources facilement accessibles, le prix des carburants quadruplait en 20 ans (ou doublait pour la France), mesure que l’OCDE considère comme indispensable au regard des résultats à obtenir ?
La pérennité à long terme des systèmes urbains nécessite qu’on repense leur rôle et leur fonctionnement dans le cadre du développement durable.
Or si l’on envisage facilement les paramètres reconnus comme classiquement environnementaux (eau, air, déchets, bruit, nature en ville, paysages) avec leurs conséquences sur la santé et la qualité de vie, on rencontre plus de difficultés pour intégrer les dimensions économiques et sociales présentes dans le concept de développement durable. Cette réflexion doit toucher le fonctionnement des réseaux divers, les conditions de vie et de travail des citadins, entre eux et en relation avec les alentours fournisseurs de ressources variées, l’évolution des valeurs qui s’y déroule, et enfin la participation des citoyens à l’élaboration de leur propre devenir.
Dans la déclaration du sommet Habitat II sur les établissements humains, les chefs d’état présents à Istanboul ont réaffirmé la nécessité de garantir à tous un logement décent et à rendre les établissements humains plus sûrs, salubres, vivables, équitables, durables, et productifs. L’équité et la solidarité font donc partie intégrante de ce concept de ville durable.
Nous citerons ici parmi bien d’autres trois problèmes majeurs : les transports urbains, l’eau et la ségrégation sociale.
Au nord comme au sud les villes sont menacées par la congestion et les pollutions du transport routier. La route est responsable de 85 à 98% des polluants rejetés par les transports urbains, dont la moitié par le transport de marchandises. Que ce soit du point de vue global avec l’effet de serre que local avec la santé publique le système urbain actuel fondé sur l’automobile n’est pas durable. Rappelons que les transports collectifs ont une efficacité énergétique quatre fois supérieure et un rendement environnemental 2 à 10 fois meilleur, selon les polluants, que l’automobile.
Comment maîtriser la mobilité subie et favoriser une meilleure intégration des fonctions urbaines ? En effet cette question est fondamentale, faute de la maîtrise de la mobilité tout gain d’efficacité du système de transport permet de couvrir de plus grandes distances à l’intérieur d’un budget-temps constant. Ensuite seulement il faut se poser les deux autres questions. Comment encourager le transfert modal vers les transports publics urbains ? Comment progresser sur les technologies des véhicules ?
L’alimentation en eau et l’assainissement de nombreuses villes du sud est problématique à long terme. La gestion durable de l’eau, en quantité et en qualité à long terme, doit être équitable. La France, dont les grandes entreprises interviennent au niveau international, pourrait sans doute apporter une contribution particulière au thème des services publics équitables dans des pays fortement dualisés. Quelle techniques ? Comment financer le management de la demande et non la maximisation de l’offre ? Quelle type de facturation pour les plus pauvres ? sont des questions ouvertes aujourd’hui.
Au sein même des agglomérations et entre les communes les ségrégations sociales entraînent l’accumulation dans les mêmes zones des difficultés économiques, sociales et environnementales : chômage, précarité, bruit, cadre de vie, état des habitations (cas de saturnisme et d’insalubrité), faibles services de proximité. Certains quartiers, intra-muros ou en zone périphérique, cumulent les handicaps de façon apparemment inéluctable dans le contexte actuel.
Comment mettre en œuvre une politique urbaine qui n’ajoute pas des ségrégations spatiales aux ségrégations économiques existantes par ailleurs ? En effet si l’urbanisme ne peut résoudre certains problèmes économiques il ne doit pas en aggraver les effets.
La ville durable ne peut plus être conçue comme une liste de fonctions juxtaposées dans des zones spécialisées, ou de problématiques que l’on peut résoudre une par une, mais comme un système complexe qui nécessite des approches intégrées visant une appropriation de leur ville par les citoyens. Le vocabulaire international a consacré le terme de gouvernance pour les modes de décisions impliquant des formes variées de démocratie participative et de planification… Il ne s’agit pas seulement d’une nouvelle forme de planification urbaine, mais de mise en œuvre de nouveaux outils : Agenda 21 locaux, indicateurs de développement durable, structures de concertation impliquant l’ensemble parties intéressées, identification et diffusion des bonnes pratiques…