Conférence 2005 du Forum pour le 21ème siècle CPPCC, Pékin. 7 septembre 2005
Intervention de Christian Brodhag. Délégué Interministériel au Développement Durable, France
La question principale, à laquelle nous devons faire face, est comment mobiliser et coordonner des actions des acteurs divers présents sur la scène du développement durable ? Cette question semble être plutôt bien couverte par le concept de « gouvernance » qui comporte les processus et les systèmes par lesquels les organismes, ou la société dans son ensemble, fonctionne.
Un processus qui à la fois permet et contraint les acteurs dans des rapports interdépendants en l’absence d’une autorité politique englobante. Cette gouvernance est fondée en particulier sur la coopération. Il n’est pas question de remplacer les systèmes de gouvernement et d’autorité, mais sur quelques questions, comme la plupart de celles couvertes par le développement durable, les modes traditionnels d’autorités ne sont pas efficaces.
Le développement durable vise à corriger le mode développement actuel, voire le sous-développement actuel, à travers l’intégration de nouvelles approches : pour transmettre un patrimoine pour les générations futures, gérer les biens publics mondiaux et locaux, préserver la base des services des écosystèmes pour le bien-être humain, diffuser une responsabilité sociétale à l’égard des problèmes environnementaux et sociaux…
Tous ces objectifs sont proposés et développés par différentes institutions, conventions, et réseaux qui ne communiquent pas entre eux. Pour le système des Nations Unies lui-même je suis impressionné par le nombre d’initiatives globales, qui s’ajoutent aux accords multilatéraux traitant notamment de changement climatique ou de la biodiversité, et qui concernent ces problèmes : les Objectifs de développement du millénaire (ODM), la Commission du développement durable des Nations Unies, les stratégies de réduction de pauvreté, l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire, le réseau sur les biens publics mondiaux…
Certains processus traitent les relations privées/publiques : le Pacte mondial, l’Initiative de rapport global (GRI), le processus de Marrakech sur les modèles de production et de consommation et qui tiennent une réunion actuellement au Costa Rica, les normalisations qui traitent d’environnement (ISO 14001 et écolabel), la responsabilité sociétale avec le processus ISO 26000, les indications géographiques pour des produits…
Et en plus nous pourrions citer un grand nombre d’initiatives privées sur le commerce équitable, l’agriculture biologique, la responsabilité sociale…
Quelques thèmes ont été discutés pendant cette table ronde, pour celles qui concernent le niveau de mondial : l’intégration de l’environnement dans des processus de l’OMC, l’exportation des pollutions depuis les pays industrialisés vers les pays en voie de développement. L’importance de la croissance de la Chine qui peut avoir des impacts sur l’emploi dans les pays industrialisés et l’Afrique comme l’a expliqué M. Moeletsi Mbeki, implique de développer des approches de coopération. M. Peter Schei a déclaré que le développement durable est seulement pertinent au niveau mondial, j’ajouterai que la plupart des solutions doivent être mises en œuvre au niveau local.
Ces processus que j’ai énuméré, doivent être mieux coordonnés et devraient concerner 4 niveaux de gouvernance : mondial, régional, national et local.
Le premier est le niveau international où plus de cohérence et nécessaire, ainsi que des décisions fondées sur la science. La France préconise la création d’une Organisation des Nations Unies pour l’environnement (ONUE) par la transformation du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), et une organisation plus spécialisée un Groupe Intergouvernemental sur l’Evaluation de la Biodiversité, un GIEB, sur le modèle du GIEC sur le changement climatique. Cela devrait aider à renforcer le rôle des considérations scientifiques dans la gouvernance internationale de l’environnement, en informant l’opinion publique, en aidant la prise de décision publique internationale. Les décideurs politiques doivent être informés et guidés dans leurs choix par une expertise scientifique de haut niveau, internationalement identifiée et facilement utilisable, fournissant l’information à tous les niveaux du global au local. Deuxièmement il pourrait aider à améliorer la cohérence et la coordination, y compris la convergence des normes et des processus globaux traitant de l’environnement, et de développement durable plus généralement.
Je ne développerai pas le deuxième niveau, le niveau régional; cela a été fait pendant la table ronde précédente.
Le troisième niveau est le niveau national. L’objectif proposé par les Nations Unies pour les stratégies nationales de développement durable, est inscrit dans le plan de mise en œuvre du Sommet de Johannesburg au §162b « Prendre des mesures immédiates pour progresser dans la formulation et l’élaboration de stratégies nationales de développement durable et commencer à les mettre en oeuvre d’ici à 2005. ». À cet égard, les stratégies nationales de développement durable (SNDD) semblent être un cadre, non seulement pour un plan d’action pour les politiques publiques, mais doivent impliquer également le secteur privé et les autorités locales. Pour les pays en voie de développement elles devraient être également liées à d’autres stratégies existantes, par exemple les stratégies de réduction de pauvreté (SRP).
La France s’est engagée à travers deux éléments.
D’une part grâce à l’intégration d’une charte de l’environnement dans la Constitution qui, entre autres, déclare que les politiques publiques devraient être fondées sur le développement durable. La charte est placée dans la constitution au même niveau que le texte historique de 1789 sur des droits de l’homme, ce qui est pour la France d’une grande valeur symbolique. Le Conseil constitutionnel pourra dorénavant analyser les lois et leur conformité avec la charte de l’environnement.
D’autre part une stratégie nationale a été élaborée, notamment par une consultation multipartenariale de la société civile au sein du Conseil national pour le développement durable. Je ne décrirai pas en détail la CNDD française mais, l’examen par les pairs du processus français de stratégie, impliquant la Belgique, le Ghana, Maurice et le Royaume Uni, qui a été présenté à la 13ème Commission du développement durable de l’ONU, et qui apparaît comme processus d’apprentissage tout à fait intéressant. Ce projet, lancé en 2004 par le gouvernement français avec la participation de l’Institut international pour l’environnement et le développement de Londres (IIED), a été engagé pour à la fois aider à développer la méthodologie et faciliter le processus national. Le projet a permis de développer et d’expérimenter une méthodologie pour l’ « examen par les pairs » et partagé la connaissance sur les stratégies nationales pour le développement durable, en utilisant la stratégie française comme cas d’école. Les recommandations des pairs ont été présentées en quatre chapitres : processus, contenu, mise en œuvre et résultats; et suivi et indicateurs.
Le but général a été de démontrer qu’un tel processus a des avantages partagés pour les pays impliqués, et une plus large valeur de généralité. On peut espérer que la méthodologie peut être employée (et approfondie) par d’autres pays par des exercices semblables, et qu’une telle approche sera utile aux pays dans leur progrès vers le développement durable.
Dans ce but une réunion de groupe d’experts sur la revue des stratégies nationales de développement durable se tiendra au siège des Nations Unies à New York 10-11 octobre 2005. Il pourrait être très intéressant que la Chine adhère à ce processus et apporte son expérience.
Le quatrième niveau est le niveau local.
Pour le niveau local les problèmes sont de la même nature, les stratégies sont appelées « Agendas 21 local ». Avoir une stratégie globale aide les autorités locales pour coordonner leur action avec le niveau national et les différentes parties intéressées. La coordination entre le niveau national et local est alors obtenue par la coordination de la SNDD et des Agendas 21 locaux. Quelques éléments devraient être cohérents comme, par exemple, les indicateurs de développement durable. La mise en réseau et la coopération entre les autorités locales devraient aider pour partager des expériences.
En conclusion, nous devons approfondir les connaissances et échanger sur de vraies expériences et pas sur des approches théoriques.
Une dernière question semble être devant nous. Nous faisons face à la nécessité d’avoir une meilleure coordination entre les secteurs publics et privés, entre les acteurs économiques et les pouvoirs publics. C’est la prochaine étape majeure. Nous sommes convaincus que le processus initié par l’ISO sur la responsabilité sociétale, l’ISO 26000, peut aider à organiser les transactions entre les entreprises et les communautés pour la gestion commune des biens publics et du développement durable. La deuxième réunion de l’ISO sur la responsabilité sociale se tiendra en Asie, à Bangkok à la fin septembre.
Chaque pays doit trouver sa propre voie vers le développement durable, c’est de sa responsabilité, mais la coopération et des processus d’apprentissage partagés peuvent aider à le faire plus efficacement. Aucun pays n’a de leçon à donner. Dans l’examen par les pairs de la stratégie nationale, les pairs sont issus du Nord et du Sud, de pays en développement et industrialisés, sur une base égale.