L’essentiel aujourd’hui n’est-il pas d’organiser la mondialisation en matière environnementale et sociale ? Comment répondre aux enjeux énergétiques de demain sous la double contrainte de la raréfaction des ressources et du changement climatique ? Comment minimiser le coût social et exploiter les opportunités de la « destruction créatrice » qu’implique le changement de cap qui est de diminuer par 4 nos émissions de gaz à effet de serre ? Comment engager les entreprises à adopter comportements socialement responsables partout dans le monde, et ne pas pratiquer le dumping social ou écologique ? Comment trouver les voies d’un progrès partagé entre les peuples du monde ?
Ces questions ont été présentes dans deux réunions internationales qui viennent de se succéder : la 14ème session de la Commission du Développement Durable des Nations Unies consacrée à l’industrie, l’énergie et le climat et la 3ème réunion de travail de l’Organisation Internationale de la Normalisation (ISO) sur la rédaction des lignes directrices sur la responsabilité sociale (ISO 26000).
Il faut trouver les voies du développement durable au milieu des méandres des intérêts nationaux, des différences culturelles, du faible niveau de compréhension des peuples, voire des élites, à la fois des problèmes et des solutions possibles. L’ensemble des forces vives de la France doit construire un projet original pour notre pays dans la mondialisation. Faute de cela, notre pays sombrera dans la morosité et les replis, voire les aventures extrêmes.
Certaines directions sont simples, mais c’est leur mise en œuvre qui est difficile.
Premièrement, il n’y aura pas de solution mondiale qui ne soit pas négociée dans un cadre multilatéral entre des pays souverains dont l’Europe doit en être l’élément moteur. Mais les lourdeurs des institutions Onusiennes et Européennes donnent une responsabilité essentielle aux pays qui choisiront d’y jouer un rôle moteur.
Sous l’impulsion du Président de la République, la France soutient sans faille les organisations des Nations Unies et a ouvert des pistes nouvelles qui font leur chemin : la mise en place d’une Organisation des Nations Unies pour l’Environnement pour renforcer la gouvernance mondiale de l’environnement, l’ouverture de pistes sur la fiscalité internationales avec la taxe sur les avions, l’importance données à la mise en place de Stratégies Nationales de Développement Durable dans les pays en proposant un mécanisme de revue par d’autres pays. Le discours du Président à Johannesburg et l’inscription de la charte de l’environnement dans la constitution sont aussi reconnus au niveau international.
Mais second point, le moteur de la mondialisation est économique, c’est donc au cœur des mécanismes financiers et des entreprises que le changement doit aussi avoir lieu.
Lors de la 14ème Commission du Développement Durable qui vient de s’achever, la France a défendu la combinaison des initiatives privées et des partenariats d’un côté et des cadres institutionnels et réglementaires de l’autre. En face de l’administration des Etats-Unis qui refuse tout cadre contraignant sur le climat et développe un discours démagogique sur la technologie, les voix qui défendent une autre gouvernance font leur chemin.
Les entreprises les plus responsables, y compris des entreprises américaines, commencent à demander un cadre institutionnel. Les investissements en énergie propre impliquent une bonne régulation publique et une contrainte sur les émissions qui donne un prix aux rejets de gaz à effet de serre. L’effondrement du prix du CO2 qui est passé, sur le marché européen, de 29,75 euros la tonne le 21 avril à 13,60 une semaine plus tard montre que ces marchés et leurs régulations publiques ne sont pas encore matures. Mais beaucoup d’industriels américains souhaitent rentrer dans ce marché.
Par ailleurs, le principal enjeu de la négociation de l’ISO 26000, sur la Responsabilité Sociale des Organisations, est de situer les références aux conventions internationales comme la base de cette responsabilité. L’option opposée serait un cadre volontaire dans lequel les entreprises choisiraient leurs objectifs en fonction de leur image ou de leurs relations avec telle ou telle association. Il faut, dans la logique du Pacte mondial, renforcer la mise en œuvre des accords internationaux et des gouvernances nationales. La France soutient le Pacte Mondial qui engage les entreprises à mettre en œuvre les accords internationaux en matière de droit de l’homme, de droit du travail, d’environnement et de lutte contre la corruption. Résultat concret de cet engagement, 415 entreprises françaises sont signataires de cet engagement sur un total de 3169.
La Commission du Développement Durable des Nations Unies et l’Organisation Internationale de la Normalisation (ISO) se répondent en miroir. La première, cadre institutionnel, parle de l’industrie et invite des entreprises et des associations à s’exprimer. La seconde, organisation privée, devra évoquer les régulations publiques et convie les Etats, les syndicats et les associations à participer à la négociation. Les frontières entre initiatives privées et publiques bougent constamment ce qui est un vrai défi pour les organisations internationales, les administrations nationales, mais aussi pour les opinions publiques. L’administration qui limitait son rôle à la réglementation est interpellée pour utiliser les marchés publics pour promouvoir d’autres modes de production. Le consommateur français qui pensait que le cadre réglementaire devait tout régler est interpellé pour « acheter responsable ».
Il est de bon ton d’afficher le scepticisme, de souffler négligemment les petites flammes le l’espoir et du changement, celles qui éclairent l’avenir. Bien entendu, il y a encore plus de discours que d’actes. Mais reconnaissons et valorisons les changements authentiques. Les acteurs qui négocient ces changements institutionnels comme les entrepreneurs qui innovent, doivent être reconnus et valorisés. Une présence déterminée de la France au niveau international est essentielle mais la société française doit aussi considérer en face la mondialisation pour y trouver un avenir réaliste. C’est l’un des objectifs de la semaine du développement durable qui se déroulera du 29 mai au 4 juin que de rendre concret le développement durable par les exemples pionniers.