Note (mardi 4 mai 2004)[1]
La question de la Responsabilité Sociale ou Sociétale des Entreprises est actuellement à l’ordre du jour. De nombreuses questions sont posées :
Quels systèmes de mise en œuvre ? de vérification ? le périmètre couvre-t-il le seul social ou aussi l’environnement dans le cadre du développement durable ? Quel rôle pour les organisations multilatérales les Etats et l’ISO ?
Un Groupe consultatif à haut niveau a été constitué à l’ISO, sur la responsabilité sociétale des entreprises (SAG CSR). Il est suivi en France par le Groupe d’Impulsion Stratégique RSE de l’AFNOR présidé par M. Frédéric Thiberghien (président de l’ORSE). Ce groupe a convenu que la contribution de la France serait le SD 21000 qui a été rédigé au sein du groupe de travail entreprise et développement durable de l’AFNOR (présidé par Christian Brodhag, Directeur de Recherche à l’Ecole des Mines de Saint-Etienne).
Ce texte qui est un fascicule de documentation décrit un processus permettant aux entreprises d’identifier leurs enjeux en matière de développement durable et leurs parties intéressées. Cette identification leur permet de hiérarchiser leurs enjeux et donc d’identifier « les enjeux significatifs » c’est-à-dire ceux sur lequel l’entreprise a un impact ou qui peuvent impacter l’entreprise. Ensuit l’entreprise met en place son programme d’action, son système de management et le système de reporting pour promouvoir une amélioration continue.
Cette approche a été identifiée par la stratégie nationale du développement durable et fait l’objet d’une expérimentation en région (opérations collectives en cofinancement Etat (DRIRE) et Régions). D’ici un an près de 200 à 300 entreprises PME auront été impliquées. Cette expérimentation se fonde sur des outils d’accompagnement mis au point par l’AFNOR et l’Ecole des Mines de Saint-Etienne.
Le processus de réflexion SAG de l’ISO aboutit à des conclusions proches de celles qui ont présidé à la rédaction du texte du SD 21000. Le document des conclusions et recommandations du groupe SAG de l’ISO s’appuie sur un rapport de près de 90 pages et doit être publié et mis en ligne le 15 mai[2].
Les recommandations considèrent que l’ISO doit reconnaître :
- que le sujet de la RSE touche des domaines nouveaux pour l’ISO
- que l’ISO n’a pas de légitimité pour définir des attentes sociales
- qu’il faut établir une nette distinction ente les instruments et normes issus d’institutions politiques internationales et les normes privées
- l’ISO ne doit considérer que ce qui ne relève pas du politique
- l’ISO doit reconnaître la compétence du BIT et de ses structures paritaires pour le volet social
- l’ISO doit revoir ses processus internes pour permettre une réelle représentativité des parties.
Les recommandations pour le texte RSE lui-même considèrent :
- il doit contenir des lignes directrices (guidance) et pas de spécifications conduisant à une vérification de conformité
- le système doit s’adresser aux entreprises et aussi aux autres types d’organisations.
- l’accent doit être mis principalement sur les résultats et la performance
- il doit permettre de clarifier la terminologie commune
- il doit permettre une adaptabilité à une variété de contextes
- il doit venir en complément des autres outils
- il ne doit pas réduire les prérogatives des Etats
- il doit être utilisable par des entreprises de toutes tailles (PME et grands groupes)
- il doit être de type pratique pour organiser notamment les relations avec les parties intéressées
- il doit crédibiliser les revendications de performance (véracité de l’information)
- il doit être clair et compréhensible
Sur la base de ces points (à affiner) on peut s’interroger sur la façon dont se place le texte SD 21000 et la stratégie que pourrait mener la France.
Aspects politiques : ONU Etats/processus volontaire
Les points politiques s’adressant à l’ISO et les éléments du corps du rapport nous permettent les réflexions suivantes :
Le cadre de la RSE ne peut être défini au sein de l’ISO seul, qui n’a pas de légitimité, mais dans une approche plus large qui reconnaît le rôle et les politiques publiques (organisations internationales et Etats). Dans ce contexte il y a place pour que la France développe un discours équilibrant d’un côté la construction des institutions internationale (OME et hiérarchies entre les normes) et de l’autre un cadre volontaire cohérent, en délimitant le rôle et les responsabilités de chacun (bonne gouvernance). Ce discours doit être porté au plus haut niveau, il est cohérent avec les engagements sur l’OME et sur le Pacte Mondial.
Dans ce cadre général une définition du rôle des mécanismes de concertation français, ceux-ci peuvent être redéployés et cités en exemple au niveau international (réactivation du CNDD, et nouveau discours tenu aux ONG notamment par M. Lepeltier le 3 mai).
Autres éléments de contexte stratégique :
- la réunion du CEN (Comité Européen de Normalisation) à Lyon le 30 septembre à Lyon sur le thème du développement durable. Un projet européen vise le rapprochement des documents RSE allemands, italien (Q RES), britannique (Sigma) et français (SD21000). Ce projet devrait permettre un front uni européen, pour rapprocher et coordonner ces référentiels tout en prenant en compte les positions de l’ISO.
- la tenue du Sommet des Chefs d’Etat de la Francophonie en novembre a Ouagadougou qui devrait permettre une implication des pays du sud dans les réflexions sur les normes qui ne doivent pas être des barrières injustifiées au commerce (ce thème récurrent au sein de l’ISO pourrait trouver une réponse concrète)
Le positionnement de l’administration française dans cette réflexion (GT de l’AFNOR et réunions de l’ISO notamment celle de Stockholm fin juin) doit se faire dans le cadre d’un cadrage coordonné au niveau politique le plus élevé.
Au-delà de ces aspects politiques nous pouvons nous interroger sur le positionnement du SD21000 vis à vis des recommandations. Pour ce faire nous nous reportons au fascicule de documentation lui-même et aux outils développés dans l’expérimentation, en reprenant point par point les éléments du rapport SAG.
– il doit contenir des lignes directrices (guidance) et pas de spécifications conduisant à une vérification de conformité
Cette position est celle adoptée depuis l’origine dans le GT DD AFNOR, le fascicule de documentation ne fait pas référence à une vérification de conformité
– le système doit s’adresser aux entreprises et aussi aux autres types d’organisations.
Le GT DD AFNOR s’est limité au seules entreprises, mais dans le cadre des expérimentations l’opération Aquitaine vise son adaptation aux collectivités locales, des zones d’activités sont aussi concernées (en Rhône Alpes), et une Agence régionale de l’énergie s’est livrée à un exercice d’application du SD21000. Le processus adopté est générique, une fois les adaptations menées dans différents contextes d’expérimentation une révision générale du texte pourra être menée
– l’accent doit être mis principalement sur les résultats et la performance
la notion d’enjeux est centrée sur des résultats et l’expérimentation a permis de mettre en place un système original d’évaluation de la performance
– il doit permettre de clarifier la terminologie commune
quelques mots ont été définis, la terminologie est une des taches du projet européen, et l’AFNOR vient de publier un dictionnaire sur le développement durable
– il doit permettre une adaptabilité à une variété de contextes
le mécanisme de mise en œuvre est modulaire et permet justement l’adaptation aux différents contextes, l’importance des enjeux et l’échelle sur les niveaux de maîtrise sont mis en contexte
– il doit venir en complément des autres outils
le SD21000 fait référence aux autres outils et permet le choix entre ces outils
– il ne doit pas réduire les prérogatives des Etats
les décisions et référentiels publics font partie des critères à prendre en compte par l’entreprise
– il doit être utilisable par des entreprises de toutes tailles (PME et grands groupes)
C’est le cas pour le SD21000 qui manquerait plutôt de référence dans des grands groupes
– il doit être de type pratique pour organiser notamment les relations avec les parties intéressées
c’est l’un des mécanismes de base du SD21000
– il doit crédibiliser les revendications de performance (véracité de l’information)
cette question n’a pas été traitée mais peut facilement conduire à une vérification des affirmations de l’entreprise sur les performances affichées
– il doit être clair et compréhensible
le texte du SD2100 a « des marges de progrès » dans ce domaine
Note mettant en perspective l’initiative SD 21000 et les réflexions menées sur la consommation durable.
[1] Ces lignes ont été écrites rapidement, le lecteur voudra bien excuser les fautes de frappe
[2] Les lignes qui suivent sont inspirées des éléments de la réunion du 04/05/04 du GIS RSE AFNOR et notamment de l’exposé de M. Thiberghien