Pour avoir côtoyé les membres du GIEC (groupe intergouvernemental des experts du climat) et même ouvert pour le gouvernement français la session de Paris le 29 janvier 2006, je suis scandalisé par l’attaque dont la communauté des climatologues fait l’objet.
Des pirates informatiques ont volé des données sur les serveurs du centre de recherches sur le climat de l’université britannique d’East Anglia et mis en ligne des centaines de documents et courriels échangés entre les scientifiques. Ces informations sont présentées comme mettant en cause le rôle des activités humaines dans le changement climatique. A quinze jours de la conférence de Copenhague cette initiative n’est bien entendu pas anodine, mais relève d’une manipulation qu’il faut dénoncer vigoureusement.
La démocratie et les institutions sont les moyens pour établir la légitimité du pouvoir politique. En matière scientifique le processus de revue par les pairs et le doute établissent la légitimité de la connaissance. Malgré le professionnalisme de certains organes de presse, en matière médiatique le « buzz » se crée autour d’événements sans que soient vérifiés la véracité des faits. Or ces trois mondes qui sont régis par des modes de fonctionnement différents conditionnent ensemble les décisions qui seront prises à Copenhague, et la capacité de relever le défi climatique.
Le GIEC est un processus très achevé de validation des observations et des théories des chercheurs et d’élaboration de consensus. Dans le rapport et le résumé pour les décideurs chaque mot est pesé.
Les mots qui peuvent apparaître comme des expressions de tous les jours sont rigoureusement définis : les niveaux d’incertitudes, par exemple, sont identifiés sur une échelle à huit niveaux qui vont de pratiquement certain à exceptionnellement improbable, et les niveaux de confiances sont étalonnés sur une échelle à cinq niveaux qui va du degré de confiance très élevé à très faible degré de confiance.
Les attaques vis-à-vis du GIEC sont de deux ordres :
Des anciens scientifiques, ou les spécialistes d’autres disciplines, qui font des carrières dans des médias où le spectacle prime, bâtissent une critique qui semble plausible pour les profanes, mais qui n’a pas de fondement scientifique rigoureux. Ce qui apparaît comme une règle équitable dans le débat : un pour et un contre, est déplorable quand l’un des deux dit le faux.
La seconde attaque vient de non scientifiques, n’acceptant pas l’asymétrie de position entre le scientifique et le profane, ils s’appuient sur la théorie du complot.
Les un et les autres trouvent facilement des tribunes car une bonne polémique fait plus vendre que le consensus. Les uns et les autres trouvent des oreilles compatissante chez les conservateurs de tous poils et ceux qui seront impactés par la réduction des émissions.
La communauté scientifique doit plus rendre compte de ses activités à la société, de ses certitudes comme de ses doutes, mieux faire comprendre ses processus et ses méthodes de travail. C’est difficile comme l’ont montré les réticences des académies de médecine et des sciences contre le principe de précaution lors du débat sur la charte de l’environnement. Mais justement le GIEC et ses procédures sont parfaitement exemplaires à cet égard.